#7- La cerise sur le Trophée (Les Carnets de Victor)



Titré début septembre au Mont-Blanc, Victor Bellotto, “notre copilote de la saison 2018”, a repris le chemin des spéciales au rallye du Var à bord de la Renault Clio R3T, pilotée par Florian Bernardi. Et pour la quatrième fois en cinq départs, le français a remporté cette manche du Clio R3T Trophy France.

Pour ses derniers carnets de bord de la saison, Victor vous fait revivre ce long rallye du Var, particulièrement perturbé par des conditions météos délicates. Des reconnaissances à l’arrivée, plongez dans l’intimité de l’équipage, vainqueur du trophée Clio cette saison.

Sans pression

“Nous voici donc à Sainte Maxime pour la dernière manche de la saison, le rallye du Var. Après avoir dû renoncer à notre participation au rallye Cœur de France, nous avions la ferme intention d’être présent ici pour honorer comme il se doit notre titre acquis depuis le Mont Blanc. C’est bien la première fois que je me rends au Var avec le titre déjà en poche et c’est un vrai soulagement. Vous avez beau mettre toutes les chances de votre côté, travailler sur l’épreuve comme jamais, il se passe toujours quelque chose d’inattendu ici. Alors prendre le départ en sachant que rien ne viendra bouleverser le résultat final, apporte une sérénité supplémentaire qui me fera peut-être découvrir l’épreuve sous un nouveau jour.”

Entre inondations et gilets jaune

“Une sérénité bien vite balayée entre les inondations du mois et les actions musclées des anti-Macron. Lorsque le petit monde du rallye a appris l’effondrement de la route entre Collobrières et Cogolin, nous ne donnions pas cher du maintien de l’épreuve. Pourtant, l’organisation du rallye a fait un travail titanesque en un temps record pour repenser complètement le parcours et assurer le départ de l’épreuve varoise. Un grand chapeau à vous tous, employés et bénévoles pour votre dévouement des dernières semaines. J’ai donc bouclé au tout dernier moment mes préparatifs d’avant course et envoyé à l’équipe tous les nouveaux documents. Tout en sachant qu’il restait l’énigme des gilets jaune qui pouvaient frapper durant la course. Wait and see.”

Relation compliquée

“Nous arrivons tard le mardi soir sur Sainte Maxime mais le moment partagé avec la famille Aime nous a aussi fait du bien. Merci encore pour ce repas divin ! Je ne compte plus le nombre de personnes que j’ai eu la chance de rencontrer ou croiser grâce à Florian, moi le réservé. Mais je suis un peu ailleurs entre fatigue accumulée et anxiété pour le programme du lendemain. Même si nous sommes à des années lumières des recos de 2011 ou 2012 avec ses 7h-20h non-stop sans aucune pause (n’est-ce pas Guillaume !), j’ai toujours du mal avec la prise de notes de ce parcours. Cette fois, nous aurons l’avantage d’avoir une majorité de notes déjà écrites, un atout primordial pour mon estomac ! Arrivé au gîte, nous prenons possessions de nos quartiers et je m’empresse de préparer toutes mes affaires pour dormir le plus possible.”

Arrêtes-toi, arrêtes-toi !

“A l’heure où nous nous réveillons, la plupart sont déjà en train de gratter du papier dans les spéciales. Florian profite d’être loin de son travail pour récupérer un peu et mon boulot est de savoir jusqu’à quelle heure nous pouvons nous le permettre ! La première partie de journée se déroule sans accroc et le fait d’être complètement en décalé nous laisse une route quasi déserte. A la sortie de Pignans, je commence à sentir une très forte migraine et remercie l’Ange-Oliver de faire une pause au gîte. Nous repartons avant la nuit pour le second passage mais je sens vite que les trois dernières ES de Pignans, Gonfaron et Collo vont être un calvaire. En plus de la nuit, nous chopons un épais brouillard sur le plateau du Col de Fourches et le point de non-retour est presque atteint dans Notre Dame des Anges : « arrêtes-toi ! arrêtes-toi ! ». L’air frais et un peu de marche auront suffi mais il était moins une. Nous en terminons enfin et je m’empresse de prendre le volant pour rentrer à la base afin de retrouver mes esprits. Sur place nous retrouvons toute l’équipe qui vient d’arriver d’Abbeville et partageons notre première soirée tous ensemble. Encore deux spéciales demain avant de remettre les fesses dans l’auto.”

Deux tours et puis s’en va

“Tout comme la veille, nous maximisons le timing avant d’aller reconnaître la Garde Freinet et Vidauban, des grands classiques. Nous terminons un peu après midi puis nous partons directement sur le shakedown pour le reconnaître aussi car Florian ne l’a jamais fait. L’assistance est en place et le temps plutôt clément. Je profite des derniers préparatifs sur l’auto pour avancer un peu mon travail de mise au propre puis c’est à notre tour. Après deux passages, nous décidons d’en rester là car le but premier était de déverminer l’auto pas de la régler. Le tracé étant aux antipodes de ce que nous allons rencontrer ce weekend. La sagesse est mère de sureté comme on dit.

A peine arrivé dans nos pénates, je m’installe sur la table de la cuisine pour attaquer mon marathon de la mine HB et de la gomme. Je m’octroie une petite pause de 20 minutes pour manger puis je me force à quitter l’équipe pour repartir dans mes cahiers. Moi qui adore tant écouter les anecdotes et les histoires des uns et des autres, je me suis fait violence pour terminer au plus tôt mon plus gros boulot de la semaine. Et il est vrai qu’entre le type de route et le tracé cette année avec des spéciales qui reprennent des parties d’une autre, il ne fallait pas se louper. Après plus de 6h d’effort (oui ça fait beaucoup pour un marathon, on va dire que c’est un ultra alors !), j’aperçois enfin la ligne d’arrivée ! La pluie commence sérieusement à tomber sur le velux de la chambre mais on on est encore loin de se douter de la suite.”

Partira, partira pas ?

“La pluie n’a pas cessé de tomber durant toute la nuit et à l’heure du réveil c’est toujours le cas. Florian qui doit partir à la conférence de presse apprend que la route entre Grimaud et Sainte Maxime, que nous allons emprunter 2583 fois durant ce weekend, est inondée ! Ça ne pouvait pas mieux commencer. Peu après c’est l’ES1 qui est remis en question et on pense alors au remake de 2014, ou pire. Finalement, il fallait rester optimiste et nous prenons le départ presque normalement. Oui car j’ai complètement oublié mes palmes ou mes bottes ignifugées pour monter dans l’auto. C’est une véritable piscine à nos pieds, il y a 10cm d’eau ! Quand Florian déplace l’auto, de véritables vagues se forment entre l’extincteur et le cale pied, c’est mignon. Entre le parc fermé et le podium, on parvient à trouver 2 verres en plastique pour enlever le plus gros et surtout éviter tous problèmes électriques.

L’avantage c’est que question pneus on ne se posera pas trop de questions. Même s’il ne pleut presque plus, les nombreuses coulées d’eau et la température basse n’abimeront pas la gomme tendre.”

Plus que 2 jours

“Dans les deux premiers chronos qui sont les plus « propres » de l’étape, les conditions sont correctes même si le nombreuses coulées d’eau ne sont pas sans risque surtout sans ouvreurs. Dans le bon wagon sans prendre de risques inutiles, nous sommes en tête devant l’italien Ferrarotti que l’on avait côtoyé lors de notre escapade à Rome. On sait que ce sont les deux prochaines spéciales qui seront cruciales. Dans Collobrières, arrivés au Col des Fourches, le test commence. Comme en reconnaissance, un épais brouillard nous empêche de distinguer quoique ce soit à plus de 10m, et encore. Sauf que cette fois nous sommes entre le 4ème et le 6ème rapport et que le moindre écart peut être rédhibitoire. « Eteins la rampe ! », « Allume-la, non éteins ! ». Nous avons dû faire ce ballet des dizaines de fois et tout ça sans se perdre dans les notes ou quitter la route des yeux. Les quelques repères supplémentaires ajoutés à la vidéo ne furent pas de trop. A l’arrivée, nous creusons notre premier écart d’autant plus que Ferraroti crève. A nous de ne pas l’imiter.

Sur la liaison, et comme souvent quand nous avons un peu de temps, nous écoutons la radio FR Média Live pour avoir les premiers commentaires. Entre les habitués qui ne sont pas surpris des conditions et les nouveaux comme Gryazin ou Adielsson qui se demandent dans quelle galère ils sont embarqués, notre motivation n’est pas au maximum avant le départ. La première partie avec beaucoup de grip nous permet d’être en confiance avant d’aborder vous savez quoi. Florian se force à rester dans le rythme mais il est très difficile de lire le grip. L’aspect et la couleur du tarmac est identique mais parfois ça tient, parfois l’auto décroche. Au moins quand c’est de la terre on est pas surpris. On se fait quelques jolies glisses dans le lent et on évite au maximum les risques de crevaison. A l’arrivée les efforts payent puisqu’on double notre avance sur Guillaume (Jean) et Loris pour la porter à 2 minutes. De quoi aborder la suite un peu plus sereinement.”

Assurer l’essentiel

“Pour cette deuxième étape, la pluie semble être partie en congés mais cela ne veut pas dire que la journée sera simple. On fait notre choix de pneus pour sécuriser notre course et moins pour la perfo pure. Au départ de la Môle, premier arrêt de course. De longues minutes d’attente qui nous permettent d’échanger avec les gens autour de nous dont Pascal Enjolras et Olivier Vitrani que l’on connaît bien. En partant juste derrière nous, cela nous mettait une petite pression et on voulait leur dire qu’on ferait tout pour ne pas les gêner. Ils nous rassurent immédiatement en nous disant que de toute façon ils ne sont pas dans le coup et qu’ils n’ont plus rien à jouer. Ils décideront finalement de jeter l’éponge après la 7, la mort dans l’âme. Tout comme Delecour parti 3 voitures devant qui lutta contre un embrayage mort de chez mort avant de renoncer pour le compte dans Pignans. Il ne fait pas bon être célèbre dans le coin.

De notre côté, on gère mieux le nouveau départ comparé au Rouergue et on aligne les scratchs, 8/8, ce qui nous permet d’ores et déjà d’être meilleurs performers et par la même occasion de remporter ce titre honorifique en hommage à Jean Ragnotti. Au départ du second tour, on baisse encore un peu le rythme pour préserver les pneus et surtout éviter à tout prix la crevaison. Car même avec 3 minutes d’avance désormais, un changement de roue en spéciale et tout s’évanouit. L’annulation de la spéciale 11 n’est une bonne nouvelle pour personne mais dans un coin de notre tête c’est un pas de plus de franchit sans encombre. Encore faut-il rejoindre Sainte Maxime. Car après un retard au départ de la 10, on nous explique alors casqués et arnachés qu’il faudra prendre à gauche vers Pierrefeu, puis à droite sur une petite route, etc … Pas très compliqué en soi mais on verra cela en temps voulu. A l’arrivée du Babaou, on propose à Aki Sahila et Rami Surosa, l’équipage finlandais que j’ai côtoyé chez CHéL en 2016, de nous suivre car personne n’arrivait à leur expliquer en anglais le pourquoi du comment. Soulagés, ils nous emboitent le pas. Espérons qu’on ne se trompe pas non plus ! La liaison est interminable mais comme nous n’avons pas de temps imparti, aucun stress. On rejoint un cortège de VH et arrivons sur le port de Sainte Maxime fatigués mais heureux d’avoir passé cette journée du samedi et d’avoir encore accentué notre avance. Nous profitons de cette soirée pour diner en compagnie de nos VIP qui nous ont suivi depuis la veille et qui ne ratent rien de notre course. Un plaisir de pouvoir partager avec d’autres passionnés et d’avoir leur point de vue sur la course. Maintenant dodo !”

Plus c’est long, plus c’est … long !

4h30. Oui ce satané réveil vient bien de sonner. J’ai l’impression d’avoir fait une sieste. Un dernier coup d’œil sur les caméras avant de rejoindre une dernière fois le parc fermé. Ça pique toujours autant le dimanche au Rallye du Var. En toute franchise, ni Florian ni moi n’avons vraiment envie d’y retourner et d’un côté plus vite la journée passera mieux ce sera. Quand on est si proche de la victoire mais que les spéciales qui nous attendent peuvent tout chambouler, on est forcément partagé. On part dans la Garde Freinet sur un rythme maitrisé, peut-être trop. Entre la levée du jour et le grip moyen à partir du Col, on peine à trouver la confiance et faire chauffer les gommes. On se retrouve alors dans une sorte de spirale merdique où si on accélère on se fait peur mais si on n’attaque pas on se déconcentre. Ce fut encore plus flagrant dans Gonfaron où lui comme moi n’étions pas à notre rythme de course. J’ai peiné à annoncer correctement mes notes, dans le bon tempo tandis que la descente nous a paru interminable. « C’est long ! » entends-je dans mon casque. A ce moment la seule chose à faire est de le rassurer et de lui donner le nombre de kilomètre restant. Surtout ne pas de déconcentrer ou faire la boulette. Allez plus qu’une, une seule. Le problème c’est que la dernière est non seulement la plus longue mais certainement la plus problématique du rallye.

Victoire de la maturité

“Départ ES14. 32 kilomètres qui vont nous paraître interminables. La première partie dans le brouillard n’est pas des plus simple quand on est dans notre état d’esprit. Une partie de nos cerveaux nous a surement huée lorsque nous avons passé l’enchainement rapide avant le croisement du Revest, pardon ! Nous profitons de la suite pour reprendre un peu de rythme et se reconcentrer. Les conditions sont idéales avec le soleil qui réchauffe le bitume. Arrive maintenant la dernière portion où les pneus terre auraient surement été plus adaptés. Vendredi soir, une tempête s’est littéralement abattue sur la seconde moitié des concurrents et on découvre alors l’étendue des dégâts. La route est bien plus dégradée que nous ne l’avions quittée, des flaques énormes recouvrent la route, des grosses pierres, des cordes creusées, on dirait le dernier niveau d’un jeux vidéo en mode ultra difficile sans vie et sans continu. Au prix d’une lenteur de tous les instants, nous franchissons enfin la ligne d’arrivée. YES !!!

On l’a fait, on a gagné quelque chose au Var et dans des conditions vraiment délicates. Peut-être pas notre plus belle course en termes de panache et de plaisir mais certainement la plus mature. On monte sur notre 5ème podium en 5 courses dont 4 victoires, bilan quasi parfait.”

La plus belle aventure humaine

“Nous avions eu le temps de digérer notre titre mais ce que je retiens le plus de cette saison c’est évidemment l’aventure humaine que nous avons vécu. Nous reformions notre duo avec Florian 6 ans plus tard, dans une auto que je découvrais, avec une équipe que nous découvrions et pourtant il n’y a eu aucunes fausses notes. L’auto a été irréprochable du début à la fin sans exception, le travail mené conjointement entre Frédéric, Daniel Giroud de R.Tec et Florian a été redoutable d’efficacité sur des terrains inconnus comme les Canaries ou Rome et l’ambiance entre tous fut un formidable vecteur de motivation pour nous. J’ai encore appris énormément sur moi-même, sur mon rôle de copilote et de coordinateur et surtout sur ce que je voulais et ce qui m’avais manqué pendant ma pause forcée. Alors un immense merci à ces gens du Nord Frédéric, Estelle, Thomas, Frédéric, Daniel, Sylvain, Philippe, Erik, Bertrand, Bastien sans oublier Josep et le staff Renault mais aussi tous nos camarades du Trophée qui ont fait de cette année un véritable plaisir sportif et humain. J’ai hâte de reprendre la plume pour vous compter le chapitre 2019.”





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Pm
Pm
5 années il y a

Chouette chronique, bien écrite et très plaisante à lire. Le rallye vécu de l’intérieur. Merci. Elle me rappelle le récit de la Coupe des Alpes par Jean-François Jacob, autre époque et autre copilote émérite… A poursuivre absolument l’an prochain !

flom30
flom30
5 années il y a

Très plaisant a lire ces résumés de weekend , avec toutes ces anecdotes et les coulisses de la courses . Félicitation a l’équipage Bernardi – Bellotto pour cette victoire en trophée clio ainsi que leurs piges en ERC , en espérant un beau programme pour l’année 2019 .