En cette fin d’année, l’heure des bilans a sonné et il était temps de retrouver Florent Peronnet, team manager de l’équipe 2C Compétition, engagée sur l’ensemble de la saison 2021 en championnat du monde des rallyes.
Team manager, mais également ingénieur du team auvergnat, Florent nous a accordé un entretien au milieu d’un hiver rempli d’interrogations avec l’arrivée de nouvelles voitures et d’un règlement FIA encore en attente !
Quel est ton bilan de cette saison 2021 ?
“Je suis globalement satisfait de l’année, même si on peut toujours faire mieux. Les résultats n’ont pas été là en permanence au cours de la saison. Les voitures ont été fiables, on a roulé sur de nombreux rallyes avec de bons pilotes, Loubet, Solberg et Solans.
On a réellement eu deux soucis mécaniques majeurs qui ont arrêté nos courses. D’abord le bris de turbo à l’Arctic sur la voiture de Loubet. C’était impossible de déceler ce problème avant, le matériau était plus poreux que prévu et c’est un turbo qui n’aurait pas du être validé par Garett. Mais ça reste normal d’assumer cette responsabilité car nous avons monté cette pièce sur notre voiture. En Grèce, on a rencontré un problème électronique sur la voiture de Pierre-Louis, ce qui entraînait un dysfonctionnement des palettes au volant.
J’ai entendu parler de la Sardaigne également mais il faut préciser que la perte de puissance du dernier jour était liée à un gros impact au niveau du ski, sans doute contre une grosse pierre. Le collecteur de l’échappement a rompu suite à l’impact.
Sinon, c’était une saison assez intense, entre les rallyes européens, Outre-mer et les essais. Nous avons eu quelques sorties de route qui nous ont donné du boulot en plus ! L’année se termine plutôt bien avec deux derniers rallyes assez positifs. D’abord Solans avec une prestation superbe en Espagne malgré seulement quelques kilomètres d’essais. Et Solberg aussi qui a pu reprendre confiance en cette fin de saison avec nous. L’intégration d’Oliver était légèrement différente qu’avec un client “normal” comme Loubet. Sa voiture avait des évolutions récentes, proches des officielles, et on avait un peu de soutien supplémentaire de Hyundai avec un ingénieur en plus sur tout le rallye.”
Et sur le plan plus personnel ?
“Je suis satisfait de cette saison, même si petit à petit, je m’enlève de la partie technique, et c’est ce que je regrette. Mais il faut accepter que ce n’est pas forcément une bonne chose d’être impliqué partout et qu’on ne peut pas être à fond dans tous les domaines. Je le savais avant de m’engager dans un tel programme, donc pas de problème.”
Cet engagement en WRC était un énorme pas en avant pour 2C Compétition. Est-ce que tu considères que c’était le bon choix ?
“Je ne regrette rien ! Beaucoup de personnes ont pu dire que les voitures n’étaient pas évoluées et pas assez performantes, mais je ne suis pas d’accord. Tout au long de l’année, il y a quelques chronos très sympas, comme au Monte-Carlo d’entrée, ou encore en fin de saison avec l’Espagne et l’Italie. On avait conscience qu’on ne pouvait pas se battre face aux voitures officielles, et il faut rappeler que nous ne sommes que 13 à travailler à temps plein dans cette équipe privée.
Donc je considère que nous avons rempli notre part du contrat. On a bien progressé dans certains domaines cette année avec une grosse évolution de nos compétences. Je pense que Hyundai est assez content de notre travail, et la FIA également.”
La FIA justement. Quel était son regard par rapport à 2C Compétition, cette équipe privée opposée aux gros constructeurs ?
“À vrai dire, on a pas assez de discussions avec la FIA…j’avais l’impression que nous étions un peu le vilain canard du championnat. Cela se sentait vraiment quand nos pilotes étaient performants et rivalisaient avec les voitures officielles. Quand on avait des voitures au milieu du classement, ils faisaient un peu la grimace. C’est dommage car on pourrait avoir plus de voitures si la FIA encourageait des équipes privées à utiliser des voitures pour faire rouler des jeunes par exemple. Et pour l’année prochaine, nous n’avons pas trop notre mot à dire.
Je pense que la FIA voyait plus la création de ce “WRC Teams” comme le WRC Trophy de 2017, et au final, c’était plutôt dérangeant de voir les voitures privées au milieu des constructeurs. On a forcément moins de poids au niveau de la FIA et on l’a vu quand on demandait certaines choses au niveau des commissaires de course, comme par exemple une analyse de caméra embarquée pour une perte de temps.”
Dernièrement, Andrea Adamo a dit qu’une équipe privée ne pouvait pas gérer les nouvelles voitures hybrides. Quel est ton avis là-dessus ?
“C’est tout à fait normal de dire ça, c’est impossible de confier la gestion de l’hybride tout de suite. Avec cette nouvelle ère du WRC, les constructeurs ne peuvent pas donner des informations à des équipes privées. En plus, ils sont tous un peu en retard sur le développement des voitures ! À l’avenir pourquoi pas, à moyen terme, disons 2 ans, mais il faut voir financièrement ce que ça donne. J’aimerais voir une analyse financière car je ne comprends pas comment on peut arriver à une réduction des coûts avec les Rally1. Je suis très perplexe.”
2021 terminée, quels sont les projets pour 2022 ?
“On a l’ambition de faire rouler nos Hyundai i20 Coupé WRC en championnat du monde mais nous n’avons encore aucun règlement à la date du 3 décembre. Potentiellement, nous pourrions avoir le droit de continuer sous certaines conditions mais aucune décision n’a été encore actée. On parle de réduction de puissance en jouant sur la suralimentation et/ou de lest au niveau du poids.
C’est un peu dommage de ne pas avoir de news à cette époque. La FIA se moque un peu des équipes privées, si 2C est engagée ou non, ce n’est pas très grave pour eux. C’est dommage de ne pas être épauler davantage alors qu’ils pourraient promouvoir des WRC privées.
Il y a seulement 3 constructeurs et 3 voitures potentiellement par marque. Il manque clairement de places pour les futurs pilotes qui sont obligés de repartir en WRC2 et WRC3, même en étant champions.
Cela serait une bonne chose d’avoir une catégorie intermédiaire pour permettre le développement de jeunes pilotes car l’on sait que la marche est très haute pour passer du Rally2 au WRC.
On a des clients intéressés pour rouler avec les Hyundai, surtout des jeunes mais aussi des pilotes expérimentés qui connaissent cette génération de WRC. Sans règlement, je ne peux pas vraiment parler des projects actuels de toute façon.”
Quelles seraient les motivations des clients de rouler avec les anciennes WRC ?
“Se jauger par rapport au nouvelles Rally1 et grâce à toutes les informations du passé, on pourrait comparer leur performance. Avec de jeunes pilotes au volant, on pourrait juger de leur régularité, du développement de leur technique et de la gestion des pneus par exemple. Plus globalement, la progression sur une saison serait intéressante à suivre, tout en s’habituant au rythme plus évolué par rapport à une Rally2 et à gérer plus de technique.”
D’autre part, de nouvelles voitures vont arriver chez 2C en 2022. Peux-tu nous en dire plus ?
“En effet, on a commandé deux Hyundai i20 Rally2. On a plein de plans sur la table, ça devrait se décider rapidement. L’objectif est de s’engager en WRC2/WRC3, tout en espérant revenir sur la scène nationale. M.Combronde (co-gérant de l’entreprise) aimerait revenir dans le championnat de France Asphalte et on a contacté quelques pilotes pour montrer un programme en 2022. On travaille beaucoup avec Hyundai depuis un an et il semblait logique de repartir avec eux car nous sommes très contents de cette collaboration. Par le passé, on a bien travaillé avec Skoda, qui offre selon moi le meilleur SAV sur le marché.
Avec cette nouvelle i20, Hyundai a vraiment fait un bon pas en avant sur le développement de la voiture. Ils sont repartis d’une feuille blanche et sont parvenus à gommer les défauts de l’ancienne, tout en améliorant certaines choses. Cela aurait été vraiment bête de ne pas continuer avec eux. Nous avons eu beaucoup de soutiens cette saison et j’espère que ça va continuer.
Si les Hyundai i20 Coupe WRC ne peuvent pas rouler en WRC, on verra s’il est possible de les faire rouler ailleurs mais certains pays sont malheureusement frileux pour les autoriser. Sinon, elles intéresseront peut-être des collectionneurs !
D’ici 8-10 jours, j’espère que les projets avec la Rally2 auront bien avancé. Avec deux Hyundai i20 Rally2, le but n’est pas d’aligner deux voitures d’un coup mais plutôt d’avoir une voiture “donneuse d’organes” et une qui roule en fonction des championnats. Ce ne serait pas désagréable de revenir en France et de se mesurer à des références comme Yoann Bonato et Quentin Giordano.”
Merci RS,
Une interview incroyable !
La partie sur l’intérêt de la FIA vis à vis des équipes privées est édifiante.
C’est quoi la FIA à part changer sans arrêt les règlements et manger?