Alors que la prochaine édition du rallye Monte-Carlo démarre dans une semaine, Jeff nous offre un nouveau récit avec un parallèle entre les éditions 1983 et 2013.
Ardèche, mardi 15 janvier 2013. Demain, les concurrents du 81ème Monte-Carlo partiront de Burzet pour rejoindre Saint-Martial, ils passeront alors par Lachamp-Raphaël, plus haut village du département et légende du rallye. Du côté d’Antraigues, la foule a déjà envahi cette route illustre qui descend du Col-de-la Fayolle pour mourir devant la porte de la Remise. Le Championnat du Monde emprunte pour la dernière fois ces deux spéciales mythologiques. Ici, les gens ne viennent pas voir un rallye… ils viennent voir le Monte-Carlo !
Ardèche, mardi 25 janvier 1983. Considérée par beaucoup comme la plus belle spéciale de France, le Moulinon – Antraigues accueille le 51ème Monte-Carlo. Parmi les 250 partants et après 10 ES, la Lancia Rally 037 de Walter Röhrl domine, elle possède 1min22sec d’avance sur l’Opel Ascona 400 de Guy Fréquelin et1min26sec sur la 037 de Jean-Claude Andruet. Du Moulinon, pour rejoindre le village si cher à Jean Ferrat et à lui-même, Jean-Claude tente le tout pour le tout. La route est totalement sèche. Pour Andruet, c’est maximum-attaque. En 24min33sec, le héros de l’édition 1973 réussi un chrono d’anthologie. En 37,25km, il pose 31sec à son équipier Markku Alen, 46sec à la R5 Turbo de Bruno Saby, 53sec à l’Opel d’Henri Toivonen, 56sec à Guy Fréquelin… mais se voit devancer par une autre Lancia, celle de Walter Röhrl, qui signe un record : 24min30sec. Que la montagne est cruelle ! Triplé Transalpin à Antraigues.
La fantastique Lancia Rally 037 demeure, à mon avis, une des plus belles voitures de rallyes de l’histoire. Avec ses 965kg pour 310cv, la belle Italienne est l’arme fatale sur asphalte. Agile, beau, racé, rapide, fiable, le beau coupé propulsion imaginé par Pininfarina, Fiat, Lancia et Abarth décrochera le titre mondial fin 1983. Son âme, c’est ce moteur 4 cylindres 2L longitudinal central arrière qui émet un sifflement caractéristique, celui du compresseur volumétrique à lobes, le fameux « Volumex ». Magique !
Mercredi 16 janvier 2013, le Moulinon. Après une année de disette au volant d’une Skoda S2000, Sébastien Ogier fait débuter la VW Polo R WRC. Pour la première spéciale de sa carrière, la Polo établit le temps de référence : 27min31sec8 ! Les pilotes sont partis en pneus cloutés. Seulement 7 km sur 37 sont enneigés avant le Col-de-la-Fayolle mais Burzet est entièrement tapissé de poudreuse. Au volant de sa DS3, Sébastien Loeb s’incline pour 3sec7 au seuil de la Remise. Sébastien Ogier, Julien Ingrassia et leur belle Polo R entrent dans l’histoire du Moulinon et du Monte-Carlo.
Mardi 25 janvier 1983, Burzet. Walter Röhrl se présente au départ de la 13ème spéciale qui rallie le petit village de Mézilhac. La route est désespérément sèche. Le soleil d’hiver réchauffe le plateau de Lachamp-Raphaël qui, à défaut d’être blanc de neige, est noir de monde. Avant ce morceau de bravoure, le pilote Allemand compte 1min31sec d’avance sur Jean-Claude Andruet et 2min22sec sur Markku Alen. Le Finlandais est le seul des trois à ne pas découvrir sa monture. De quoi être agacé… Lors de la précédente spéciale de la Souche, Markku a pris des risques insensés pour décrocher le scratch et un record, 1sec devant Walter et 3sec devant Jean-Claude. A Burzet, théâtre d’un mémorable exploit pour l’équipage Andruet – « Biche » lors de la tempête historique de 1973, le pilote de Montreuil perd plus de 5min et ses derniers espoirs sur une panne de compresseur. Désormais, il ne reste que son équipier Finlandais pour entretenir un soupçon de suspense. Alen décide alors… d’attaquer à 200%.
Dans l’hyper-rapide portion avant Mézilhac, la fusée Italienne disparait au milieu d’une gigantesque haie de spectateurs qu’elle transperce à 200km/h. Elle réapparait au point-stop devant un panneau qui affiche 17min43sec ! A 108km/h de moyenne, le Finnois devance la Quattro de Blomqvist et l’Opel de Fréquelin de 24sec, la Manta de Toivonen de 29sec, la R5 Turbo de Ragnotti de 34sec en 32km… Mais échoue à 8sec du leader ! A Mézilhac, au carrefour de la Vallée-du-Rhône, du Haut-Plateau Ardéchois et de la basse-Ardèche, le pilote d’Helsinki est à la croisée des chemins. Dans les bois de la prochaine spéciale de Saint-Bonnet-le-Froid, Markku Alen abattra ses dernières cartes …
Mardi 25 janvier 2013. Sébastien Loeb adore Burzet et sait qu’en ouvrant la route, il aura une adhérence plus constante. Il fait froid. La neige, le verglas et le givre rendent la tâche difficile. Il faudra rouler avec son pied droit mais surtout avec sa tête. Les 30,6 km pour rejoindre Saint-Martial sont survolés en 25min02sec par l’Alsacien qui devance Ogier de 10sec. La Ford de Juho Hänninen se classe 3ème à 16sec5 devant un incroyable Bryan Bouffier, 4ème à 22sec. Nous y reviendrons…
Dans la seconde boucle qui passe au Col-de-la-Fayolle avant de dévaler sur Antraigues par Saint-Joseph-des-Bancs et Genestelle, le pilote Citroën hausse le rythme. Ogier lâche 20sec. Dans les mémoires, Loeb restera comme le dernier vainqueur du Moulinon – Antraigues. Pour l’histoire, cette année là restera celle des adieux à une grande tradition, une institution même : la fameuse tarte aux pommes de La Remise, restaurant de la famille Jouanny à Antraigues. La Remise, c’est un peu « Chez Maurice » à Pont-d’Hérault, « Chez Maryse » à Barrême ou « Chez Félicien » à Quenza… Des lieux où les murs transpirent les souvenirs et la passion. De simples bâtisses érigées en monuments dans lesquels les fantômes du passé ressurgissent comme par magie, où tant de destins se sont croisés au coin du feu. Le rallye tourne la page et se dirige une dernière fois en direction de Burzet.
De Burzet à Saint-Martial, le grip demeure faible et imprévisible. Loeb s’aperçoit qu’il ne reçoit plus aucun « split » dès le début de la montée en direction du Calvaire et de Sagnes-et-Goudoulet. Il décide alors… d’attaquer à 200% ! Tout en haut, à 1425m, Sébastien possède déjà 25sec d’avance mais il reste le plus difficile : la descente… Au dessus du hameau de Pras, nous assistons à une leçon du maître des lieux. Hors-normes ! Près du lac de Saint-Martial, Sébastien passe la ligne en 21min54sec6. Et scelle définitivement la course. Juho Hänninen, qui tenait devant nous le 2ème temps provisoire fait un tête-à-queue et cède 1min37sec. Ogier est surclassé de 53sec7… Le second est le Finlandais Mikko Hirvonen avec la troisième DS3… mais à 1sec au kil de son équipier volant! Une course est vraiment belle que si la probabilité de la gagner est infime non ? L’équipage Citroën rejoint Valence avec 1min20 d’avance sur l’équipage Volkswagen.
Mercredi 26 janvier 2013. Dans Lalouvesc, Ogier – Ingrassia devancent la Ford du prodige Russe Evgeny Novikov. A Saint-Bonnet-le-Froid, la Burle fait descendre la température à -17° et forme des congères. Les 25,45 km de la boucle sont totalement enneigés. Pour nous, gants, écharpes, réchauds et… bonnets obligatoires ! C’est Noël en janvier, nous assistons à un spectacle féérique. Dans les grandes courbes rapides, le spectacle est invraisemblable. Ces gars là méritent leurs places ! Les meilleurs pilotes du monde soulèvent notre admiration et font remonter la température. Mais au seuil de l’Hôtel 4 étoiles de Régis Marcon, le jeune Moscovite jette un froid : 18min02sec7. Scratch !
Saint-Bonnet-le-Froid, 25 janvier 1983. A 1160M d’altitude, aux fourneaux de l’illustre Auberge des Cîmes, le grand Chef Régis Marcon a acquis une grande notoriété et rêve de rentrer au Gault et Millau. Markku Alen, lui, a déjà gagné sur ses terres, à Jyväskylä, mais rêve de rentrer vainqueur à Monaco. Marcon et Markku sont en quête du Graal. Le Scandinave jette ses dernières forces dans la boucle Auvergnate. C’est quitte ou double. Avec du courage, l’endroit est propice aux prouesses. Surtout de nuit ! Et du courage, monsieur « maximum-attack » en possède à revendre. Blomqvist et Toivonen encaissent 2sec au kil ! Fréquelin, Mikkola et Vatanen bien plus encore… En 16min32sec, le Flying Finn décolle et colle 25sec au meilleur « des autres », un certain… Walter Röhrl. Et si c’était l’année du « Sisu » ?
La deuxième partie de ce récit sera publiée demain matin !
Merci pour ce come back. Que de souvenirs lorsqu’on évoque des noms comme le col de la fayolle, lachamps raphael, mezilhac avec son auberge des Cevennes ou dormaient une cinquantaine de de personnes y compris dans le grenier sur des matelas posés au sol !!! le monte carlo actuelle fait un peu tristounet !!
Merci Jeff… plus qu’a attendre demain !