Monte-Carlo 2005 : la théorie du “Big Beng'”

La 73 ème édition est un ersatz de Monte-Carlo. Parcours hyper concentré, moins de 10 spéciales différentes dans les Alpes-Maritimes, loin, si loin des hauts-lieux de « pèlerinage ». Ils ne sont que 34 au départ et 24 à l’arrivée ! Peau de chagrin…

Consolation, 5 pilotes Français se présentent à Monaco aux volants de WRC : Sébastien Loeb (Xsara WRC), Gilles Panizzi (Lancer WRC 05), Didier Auriol (206 WRC Bozian) ainsi que les « tarmac masters » Stéphane Sarrazin (Impreza WRC 2004) et Alexandre Bengué (Fabia WRC) qui se connaissent bien !

21 janvier 2005. Ilonse – Pierlas et ses ravins vertigineux ouvrent la saison. Sortie interdite et entrée fracassante de Loeb. Sébastien pose 0sec5 au kil à son équipier François Duval puis écœure tout le monde à Lantosque. Fin de la partie. A Monaco, rien de nouveau. Loeb va passer 350 bornes à se « balader ». Mais au Port de Monaco, la relève débarque…

À Pierlas, Sarrazin, Auriol, Bengué et Panizzi se suivent comme à la parade de la 7 ème à la 10 ème place. Ensuite, Bengué confirme ce qu’on pense de lui…A 29 ans, ce fan de Gilles Panizzi dispose d’un mini programme mondial de 4 courses sur asphalte chez Skoda. Alex a brièvement participé au MC en 2001, avec une 106S16 « Volant » ou plutôt… volante, il se crashe alors dès ES3 !

Petit retour en arrière : mécanicien chez Daniel Gache et « sans-le-sou » le discret Bengué remporte l’opération Rallye Jeunes fin 1998. En 1999, dans le peloton du Volant 206 WRC, le jeune promu des Hautes- Pyrénées démontre une incroyable pointe de vitesse ainsi qu’une polyvalence remarquable. Lors de sa première course, le Terre d’Auvergne, le lauréat de la FFSA découvre tout et rentre à Issoire dans le top 20. Lors du rallye du Mont-Blanc, il joue avec les meilleurs et se hisse dans les premiers de cordée du Volant. Le grand déclic a lieu au cours du Var 1999. Il pleut, il neige, il y a même du verglas, un « petit Monte-Carlo » où, avec sa 106S16, le natif de Lourdes réalise miracle sur miracle. En découvrant Collobrières, le néophyte fait sensation et prend la tête du très relevé Volant. Puis il crève lors de l’ES3, puis dans la 4…Il perd 5min et se retrouve 20 ème de la formule à 4min du leader Olivier Marty. Lors du second passage à Collobrières, l’espoir de 24 ans se classe 14 ème scratch et atomise ses petits camarades, il pose même 4sec à la Saxo Kit-Car de Patrick Henry. Le festival continue, au cours du troisième acte dans le sanctuaire Varois, Bengué hausse encore le rythme, il signe le 12 ème temps absolu et laisse la seconde 106 S16 à… 18sec en 32 bornes. Le petit Rallye Jeune devient Alexandre le grand !

A l’aube, le lendemain dans Plan-de-la-Tour et ses 16km, la révélation de l’épreuve claque le 9 ème temps scratch, à la Loeb ! Bengué accuse seulement 0sec6 de retard sur la première Saxo Kit-Car, celle de Michel Boetti, il roule à 2sec au kil de la Xsara du chevronné Bugalski. L’équipage volant Alex Bengué – Jean-Claude Grau est désormais 6 ème des 106 à 2min29 de Marty …Puis la démonstration s’arrête contre un muret de la Garde-Freinet. Mais une étoile est née ! En 2000, le météore tricolore gagne sur la terre et l’asphalte et finit 4 ème du Volant 206WRC. Il devient Espoir de l’année Echappement. Le nouveau Loeb ?

Grâce à Jean-Pierre Champeau, Alexandre dispute le Critérium des Cévennes 2001 au volant d’une 206 S1600 BSA. Il termine 7 ème scratch. Monsieur Champeau confie alors une Mégane Maxi au résidant de Cauterets pour le rallye du Var 2001. L’exploit de Sébastien Loeb ici même un an auparavant, au volant de la Xsara Kit Car, est dans toutes les mémoires. Mais Bengué a le handicap, lui, de se retrouver dans le baquet d’une grosse auto de course pour la toute première fois de sa vie. Pourtant, l’adaptation à la « bête » est fulgurante et dès la seconde spéciale, il domine la 306 Maxi de Fabien Doenlen. Au point-stop de Collobrières, après 33km il échoue à seulement 7sec6 de la Subaru Impreza WRC d’un certain Stéphane Sarrazin et pose 21sec à Fabien. À Bormes les Mimosas, la Kit-Car signe le MT ex-aequo avec la WRC!  Après 8 chronos, alors qu’il est 2 ème à 53sec de Sarrazin, Bengué gare la belle Mégane dans…Collobrières, hélas. Mais la performance ne sera pas sans lendemain…

À partir de là, l’univers du « Big Beng’ » est en pleine expansion. Lors de la Sainte Baume 2002 en CF, au volant d’une 206 WRC, l’as de Cauterets « pique le cœur » de Caroline Escudero, première course en couple. Les tourtereaux s’envolent et survolent le massif. Première victoire scratche, devant l’autre 206 WRC du duo Cédric Robert – Gérald Bedon s’il vous plait ! Titre honorifique de vice-Champion de France des rallyes en fin de saison pour Alex et Caro qui dominent ensuite le championnat 2003 et décrochent le titre national. Ils échouent à la seconde place en 2004, toujours avec une 206, après une lutte aussi grandiose qu’indécise face à la Subaru de Stéphane Sarrazin ! Alex remporte 4 victoires, Stéphane… 3, Alex signe 48MT, Stéphane… 41, Alex marque 108pts, Stéphane…108 ! Mais Stéphane n’a jamais abandonné, lui. Le fils de René devient Champion de France !

Monte-Carlo 2005. Sarrazin malchanceux finit 14 ème en réussissant deux beaux Top 3 en spéciales. Après René (1982/1985/1986) et Stéphane, en 2025 une 3 ème génération de Sarrazin découvrira la Classique Monégasque avec Pablo, 20 ans après son père!

Pour Alexandre Bengué, Skoda en WRC représente la chance de sa vie…en théorie ! Après une première étape prudente, Alex devance cependant son équipier Armin Schwarz puis dans l’ES6 de Toudon – Saint Antonin, 19.52km, il claque le scratch ex-aequo avec Loeb ! Le premier MT de la Fabia en WRC ! Second passage à Toudon, tandis qu’Auriol abandonne alors qu’il est bon 7 ème , l’équipage Bengué – Escudero se classe 3 ème à 2sec8 du temps de référence signé Panizzi… avant de perdre 5min dans Pont des Miolans. En théorie, la Skoda n’est pas au niveau mais sur un « Monte » et avec le grand Alexandre au volant, la Tchèque se hisse au sommet et joue avec les Sarrazin, Märtin, Gardemeister, Panizzi… Alex et Caroline finissent « seulement » 9 ème du « Monte » mais, à la régulière, sans leurs petites erreurs et quelques soucis mécaniques, la 3 ème place à Monaco était probablement à la portée du couple. Mais avec des si…

Fâcheusement, la suite de l’aventure avec le constructeur de Mlada Boleslav a été brève et frustrante ! Un véritable « chemin de croix ». Encore devant son équipier Schwarz au Deutschland, Bengué est dans le rythme de la Mitsubishi de Galli mais connait un problème mécanique dès l’ES3. Il termine ensuite 6 ème du Tour de Corse (à 0sec3 au Kil de la Subaru officielle de Sarrazin, 4 ème ) puis subit une casse de la boite à vitesses en Catalogne. Néanmoins, dans les 24km de El Montmell, il a le temps de réaliser un nouveau miracle en plaçant la Fabia au 4 ème rang, à 0sec6 de la Xsara de Duval, tout en posant 34sec à son équipier Allemand ! Puis son contrat devient caduc en fin d’année, Skoda se retirant du WRC. Décision lourde de conséquence !

J’ai un regret : ne pas avoir vu Alex sur la terre du WRC car sur cette surface, c’était un véritable « météorite » ! J’ai un souvenir impérissable du Terre d’Auvergne 2000 : dans une descente vertigineuse à l’arrivée de l’ES de Chadeleuf, Alex passe devant la cellule à bloc de 5 ème et à l’équerre dans un nuage de poussière ! Brrrr… Le prodige rentre alors 8 ème scratch et 1 er du Volant à Issoire. En Principauté, Loeb s’impose le 23 janvier 2005 devant la Focus de Gardemeister et la Lancer des frangins Panizzi. Kris Meeke décroche sa première victoire en Junior et offre ses premiers lauriers à la C2 S1600. Alex, lui, a démontré l’étendue de son immense talent. Talent encore, lors du Catalogne 2006, quand Bengué termine 4 ème avec une 307 WRC privée, à 16sec du podium de Grönholm et devant Kopecky, Duval, Solberg, Sarrazin et Cie. Puis Alexandre finit 5 ème sur l’île de beauté, toujours en 2006 avec Caroline à sa droite, dominant largement l’autre 307 WRC de Galli et claquant quelques chronos dans le Top 3 dont un extraordinaire devant la Xsara de Sordo dans Aullène – Arbellara et ses 27.78 km, à un souffle de Loeb. Preuve en est que le « Big’ Beng’ » n’est pas qu’une théorie !

Mais dans l’univers du WRC il n’y aura pas de nouveau « miracle »… Pour Alexandre et ceux qui étaient convaincus de son immense talent (dont je faisais partie) la désillusion fut lourde !