J.Boulet : “Un véritable coup de foudre pour le rallye”

À une semaine d’une nouvelle édition du rallye Monte-Carlo, son épreuve de coeur, l’occasion était belle de retrouver Jeff pour une interview.

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Comment est née l’idée de publier un livre sur tes récits ?

“J’ai toujours aimé lire, écrire…et le rallye ! Sur une spéciale du Lyon-Charbonnières, je rencontre un jour le Rédacteur en Chef de Rallyes-Magazine de l’époque, Frédéric Petitcolin. On sympathise, je lui propose une rubrique historique, je lui envoie un texte… Résultat : en 2011, puis 2012, je dispose d’une page mensuelle dans RM pour une rubrique intitulée « Il y a 20 ans » agrémentée par des photos du regretté Gérard Auriol. L’idée du livre a commencé à germer là… Ensuite, il y a eu les récits dans Rallye-Sport grâce à un certain J.R (pas Jean Ragnotti) et, au fil du temps, de plus en plus de passionnés me disaient: il faut absolument que tu fasses un livre sur le rallye ! Puis ma compagne m’a décidé à le faire.”

Publier un livre consacré exclusivement au rallye était un sacré défi. Comment as-tu réussi ?

“Il faut être un peu dingue ! J’ai réussi grâce au travail, au travail… et au travail. C’est probablement plus de 1000 heures de recherches, d’écritures, de corrections, jours et nuits ! Il faut aussi beaucoup d’archives, beaucoup de passion et… un peu de mémoire. J’ai d’abord envoyé mon livre à plusieurs éditeurs, sans succès, souvent sans réponses. J’étais un peu dépité, puis le temps a passé et, un jour, j’ai proposé mon livre à Mr Yves Gallet, ancien éditeur et rédacteur en Chef de Rétrocourse, immense passionné de sport automobile qui a créé les éditions NEO POLYCHRONO spécialisées dans la course automobile. Immédiatement, Yves me dit oui. Je ne le remercierai jamais assez ! Voilà comment est né « Etoiles du Rallye, de l’Ardèche à la Finlande » ! Ensuite, pour suivre le fil d’ariane de mon bouquin, je contacte un des rares pilotes qui a remporté Monte-Carlo, les 1000 Lacs et le Tour de Corse pour préfacer mon bouquin : Didier Auriol. Et Didier accepte ! Je n’en revenais pas…”

D’où te vient cette passion du rallye ?

“Dans ma famille, personne ne s’intéressait aux sports mécaniques. Très tôt, je suis attiré par la moto : enduro, cross et Moto GP. Toujours aujourd’hui d’ailleurs ! Puis, un jour, j’ai un véritable coup de foudre en regardant des images du Monte-Carlo (1976 ou 77) à la TV ! Un choc, une révélation ! Ma passion s’est nourrie de 3 choses : les pilotes, les récits, et les résumés de courses à la TV. Les pilotes, ce sont Thérier, Ragnotti, Toivonen, Röhrl, Auriol…dont je suivais les exploits dans les magazines. Les récits sont principalement ceux de Gérard Bridier (qui créa Rallyes-Magazine en 1993) et les émissions TV celles commentées par Christian Vella. Bridier et Vella m’ont beaucoup influencé.”

Comment peux-tu présenter tes récits à une personne qui ne te connaît pas encore ?

“Ma plus grande fierté c’est quand une personne me dit : « je ne connais rien au rallye, mais dans ton livre j’ai adoré l’histoire de ce village, le destin incroyable de ce pilote ou la carrière improbable de ce copilote… ». Au fil des 36 chapitres, les récits évoquent des « croisements de vies », des portraits, des destins, des moments forts, des exploits et des parcours extraordinaires, de Thérier à Ogier en passant par Andrié, Ragnotti, Auriol, McRae, Loeb, Poudrel, Giraudet, Delecour, Saby, Toivonen, Vatanen, Touren, Kubica… Mais les villages, les routes et les montagnes sont aussi des « personnages » à part-entière de mes textes. De Burzet à Ouninpohja en passant par le Moulinon ou le Col-de-Verde, ces hauts-lieux gardent en mémoire tant de secrets, d’anecdotes… De véritables bibliothèques à ciel-ouvert !

J’ai surtout voulu raconter de belles histoires, raviver le souffle de l’aventure qui attisait jadis la flamme de notre passion.”

Quel est ton avis sur l’évolution du rallye ?

“Tout n’était pas mieux avant, mais nous sommes passés d’un sport de « garagistes », d’amateurs et d’épopées, à une ère de standardisation et de professionnalisation. Le rallye a perdu son authenticité, son âme, et n’est plus accessible aux gens modestes (financièrement !). En 1995, un jeune pilote qui disputait le Volant 106 pouvait faire préparer sa voiture chez le « garagiste du coin » et remporter une manche, sans se ruiner…Un pilote- préparateur pouvait mettre la « pagaille » parmi les usines du CFR (Delage), et un véritable amateur pouvait remporter la Finale, comme Poudrel et sa R5 Turbo à Cannes. Aujourd’hui… non ! 30 ans de politiques douteuses, de décisions arbitraires, de réglementations, de concentrations, de parcs de plus en plus fermés…et un constat édifiant : le rallye ne fait plus rêver !

Une chance : la discipline reste la plus spectaculaire de toutes. En voulant imiter la F1, le WRC s’est fourvoyé. Au lieu d’avoir les 25 meilleurs rallymen mondiaux, nous n’avons plus que 8 ou 10 équipages. Un camouflet ! Pourtant, je crois que dans l’imaginaire collectif le rallye demeure une discipline populaire. Mais pour combien de temps encore ? Je pense qu’en cédant aux exigences « contre-nature » du direct à la TV, les promoteurs ont fait fausse route. Le format du rallye n’est pas adapté au direct, rien ne vaut un bon résumé ! Puis, à mon humble avis, les WRC modernes sont beaucoup trop coûteuses, et au final trop éloignées des voitures de série, les gens ne peuvent plus s’identifier, les GrA des années 90 étaient parfaites pour ça… A cette époque, un grand pilote au volant d’une petite Clio réussissait à déplacer les foules !”

“Malgré tout, en France, nous avons assisté à 4 « miracles » au cours des 3 dernières décennies : le sacre mondial de Didier Auriol, l’opération Rallye Jeunes FFSA, la fabuleuse carrière de Sébastien Loeb puis l’ascension météorique de Sébastien Ogier ! Beaucoup ne se rendent pas compte que Didier et les deux Sébastien ne viennent « de rien »…On peut aussi remercier Rallyes-Magazine et Rallye-Sport qui tiennent le rallye « à bout de bras » et continuent d’y croire en dépit de la baisse d’engouement, ainsi que le groupe Canal+ pour ses retransmissions du WRC et sa mise en lumière du CFR grâce à l’émission Rallye Club ! Tout n’est pas perdu, d’autant qu’au cours de son histoire, le rallye a souvent réussi à renaître de ses cendres. Et puis, quand je vois un Quentin Vialatte ou un Tom Pieri, ça me redonne le sourire et je me dis qu’il y aura peut-être encore quelques belles histoires à raconter…et à écrire !”