F.Peronnet : “Pierre-Louis n’arrive pour l’instant pas à concrétiser”



Team manager et ingénieur chez 2C Compétition, Florent Peronnet est aux premières loges de la progression de Pierre-Louis Loubet en championnat du monde des rallyes depuis ses débuts dans la catégorie reine.

Après les trois premières épreuves de la saison et avant d’enchaîner une tournée sur terre de quatre épreuves consécutives, nous avons profité d’un petit creux à l’emploi du temps chargé de Florent pour faire le point avec lui ! 

Quel est ton avis sur le début de saison de ton équipe 2C Compétition ?

“Pour l’équipe (globalement et pas seulement sportif), ce début de saison s’est plutôt bien passé. Je reste vraiment déçu du problème mécanique de l’Arctic avec un problème de bris de turbo très rare alors que le rythme était assez bon. Ce problème pouvait arriver à n’importe qui, mais n’est vraiment pas commun.

Le turbo était neuf en plus, nous n’avions eu aucune alerte et cette pièce peut normalement faire 1500 à 2500 kilomètres de spéciale sans être changé. Même pour Hyundai, c’était une panne peu commune. Parfois, cela peut s’expliquer par une manoeuvre d’un pilote dans un mur de neige par exemple dans le cas de l’Arctic, mais ce n’est pas le cas.”

Comment se présente les différents rallyes à venir ?

“On va entrer dans une période intense. On s’apprête à partir pour le Targa Florio ce week-end et on travaille en parallèle sur les autres manches du WRC à venir. Même si personne n’est encore sûr que le Kenya va pouvoir se disputer, notre container est parti en temps et en heure. Il y a eu beaucoup de rumeurs autour de cette épreuve mais cela s’est calmé.

Côté logistique, le Kenya (24 au 27 juin) nous complique vraiment la tâche. Tout dépendra des restrictions avec l’Estonie (15 au 18 juillet) en rentrant du Kenya. Pour l’instant, nous ne sommes pas censés avoir une quarantaine. Nous n’avons pas le choix de mixer entre nos deux chassis et il faudra reprendre la voiture de la Sardaigne (3 au 6 juin) pour l’Estonie le mois d’après.”

Hormis le programme complet de Loubet, est-ce que d’autres apparitions en WRC sont possibles ?

“Avec “seulement” 2 WRC à disposition, cela limite les autres participations et pour l’instant nous n’avons aucune confirmation. Nous avons des pistes pour aligner les 2 WRC, mais avec le calendrier remodelé et notamment l’ajout de la Grèce, c’est vraiment logistiquement compliqué. Nous ne sommes pas en capacité d’aligner nos deux voitures sur deux rallyes avec deux semaines d’intervalle, sans compter les changements de surface. Nous devons garder en tête que le programme de Pierre-Louis est notre priorité et ne pas prendre de risques avec une deuxième auto.”

As-tu encore des contacts avec Hayden Paddon qui avait un programme prévu avec 2C la saison dernière avant la pandémie ?

“Oui de temps en temps. Il aimerait bien refaire des événements en Europe mais ce n’est pour l’instant pas possible avec les restrictions sanitaires. Il n’a vraiment pas de chance, tout le monde me dit justement qu’il a un peu le chat noir. Beaucoup de choses se mettent en travers de son chemin. Cela reste un pilote très rapide mais il lui faudra forcément du temps pour raccrocher le rythme des autres, même s’il connaît la voiture. On espère qu’il pourra rouler dans la deuxième partie de la saison mais c’est vraiment très flou actuellement.”

Afin de mieux comprendre les problèmes logistiques évoqués plus haut, peux-tu nous détailler les étapes de la préparation d’une voiture WRC ?

“À l’arrivée d’une voiture après un rallye, nous avons entre 180 et 200h de travail pour faire de la “vraie préparation”. Ensuite, nous avons deux jours de vérification entre la mise en route, la cartographie, le réglage des capteurs et le fire up (autrement dit le démarrage). Après cette étape, on effectue le déverminage, essentiellement sur notre base d’essais d’Issoire avec 50 à 70 km pour voir si tout va bien. Cela nous prend une demi-journée. Pour le transport ensuite, il faut compter par exemple 2 jours pour rejoindre le Portugal. Une fois là-bas, nous aurons une journée d’essais le lundi, comme sur la majorité des épreuves. En gros, nos camions doivent partir quasiment une semaine avant le lancement de l’épreuve pour que que tout soit en ordre et prêt.

Pourquoi rouler en Italie ce week-end (avec Ole Christian Veiby au Targa Florio) ? 

“Hyundai aime particulièrement rouler en Italie, cela est un bon moyen d’avoir du roulage supplémentaire et cela fait partie d’un partenariat. C’est un terrain que Hyundai aime et Andrea Adamo est bien sûr lié à cette volonté de rouler en Italie. Ils reçoivent notamment beaucoup de sollicitations des différentes épreuves, tout le monde rêve d’avoir une WRC au départ.

De notre côté, c’est un arrangement direct avec Veiby. Si la voiture n’avait pas de problèmes en Croatie, c’était OK pour nous. Le Targa Florio est un rallye typique de la région avec des routes très sinueuses et piégeuses. Cela nous fera un peu de roulage et nous aurons l’occasion de tester des choses, notamment au niveau des réglages des amortisseurs.”

Après avoir globalement évoqué la saison de 2C Compétition, parlons plus précisément de Pierre-Louis Loubet. Quel est ton bilan jusque là ? 

 “Il y a eu des hauts et des bas. Pierre-Louis n’arrive pour l’instant pas à concrétiser. Il y a tout de même eu de très belles choses quand même qui permettent d’avoir confiance en l’avenir. Ce sont des voitures vraiment très rapides, et à ce rythme, tout peut arriver et il faut du temps pour les maîtriser.

Il y a clairement des axes de progression qui ont été identifiés. Dans les portions rapides où il faut de la niaque, il est performant, mais il a plus de travail à faire dans les portions sinueuses avec des relances et où le placement n’est pas forcément logique. En fonction des conditions de grip, on peut aussi voir qu’il est plus ou moins à l’aise.

La Croatie a été un peu compliquée. Quand on veut franchir une étape avec Pierre-Louis, ça ne se concrétise pour l’instant pas derrière, c’est forcément frustrant. Suite à sa sortie, j’ai pu entendre et lire parfois que les gens pouvaient trouver Pierre-Louis hautain, mais ce n’est vraiment pas le cas. C’est quelqu’un qui a besoin d’être toujours très concentré et d’être dans sa bulle tout simplement.

Sur son erreur en Croatie, c’est tout simplement un virage qu’il ne pouvait pas passer à cette vitesse. Au premier passage, c’était déjà assez limite, on a pu le voir rapidement aux acquisitions et avec les capteurs…Au deuxième passage, avec de la pollution sur la route, ce n’est pas passé, c’est peut-être une erreur d’anticipation.”

Comment se présente la suite ?

“Il faut continuer à progresser et finir les rallyes sans erreur ! On va introduire de nouvelles évolutions pour le Portugal avec de nouveaux trains roulants et un nouveau fonctionnement des amortisseurs. Le lundi avant l’épreuve, on aura 100 à 150 km pour s’y adapter. Il faudra comprendre et ressentir les différences pour voir les gains apportés par cette évolution. La voiture va gagner en motricité et en traction, ce qui sera surtout favorable sur les terrains meubles…comme le Portugal et la Sardaigne. Cela nous évitera d’avoir un effet “balle de ping-pong” comme on a pu avoir sur terre avec la version précédente.

On aura toujours un écart avec les usines, c’est certain, comme pour chaque voiture privée face à un constructeur. Cette évolution doit dater du début de l’année dernière.”

Quel sera l’objectif principal au Portugal ?

“Terminer le rallye avec une progression notable pendant le week-end. Ce serait bien des marquer des poins et démontrer de la régularité.”

Qu’as tu à dire sur le changement de copilote annoncé il y a quelques jours ?

“De notre côté, on reste les prestataires, donc nous n’avons pas notre mot à dire là-dessus. Il faut toujours une alchimie dans un équipage et il y avait des choses à corriger. On peut dire que c’était dans l’ère du temps. Ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas les mêmes objectifs et ne voulaient pas se quitter de mauvais terme, sur le rallye de trop.

Ce qui est plus rageant pour nous, c’est de voir ce comportement typiquement français. Quand des gens divorcent, ils ne sont pas obligés de préciser les raisons à tout le monde. On a l’impression que Pierre-Louis était coupable de quelque chose et qu’il aurait fallu expliquer les raisons de ce changement. On a eu l’impression que nous étions devenus les cibles des réseaux sociaux.”

D’autres évolutions sur les voitures sont à venir ?

“D’ici la fin de l’été, non. Il faut déjà comprendre et savoir exploiter les dernières évolutions pour accumuler un peu de sérénité sur notre voiture. L’évolution asphalte fonctionne bien et cela devrait aller mieux sur la terre.”

Est-ce que des apparitions en France sont prévues cette année avec les Skoda ?

“On a vendu nos quatre Skoda Fabia Rally2 qui étaient encore là en début d’année. Nous n’avons pas voulu nous dissiper avec les R5 et mener un double programme. C’est toujours un peu compliqué dans cette situation et nous restons une petite équipe même si nous sommes maintenant 12 dont 3 ingénieurs moi y compris.

Et avec la situation actuelle, il était difficile de monter un programme en France et même de vendre les voitures en France. C’était plus simple de vendre à l’étranger avec des compétitions en cours.”

Quel regard as-tu sur la réglementation WRC en 2022 ?

“Déjà, nous concernant, il sera impossible de rouler avec une voiture hybride dans une équipe privée. C’est une technologie très récente et nous avons besoin d’avoir du recul et des retours des constructeurs pour l’exploiter.

En terme de choix technologique, j’aurais opté pour des choses plus évidentes selon moi comme des carburants de substitution ou à l’hydrogène. En optant pour un petit bloc hybride, je trouve que c’est un peu se donner une étiquette avec beaucoup de rémues-méninges pour pas grand chose.”

Et avec cette réglementation, que fera 2C ?

“Pour l’instant, nous ne sommes pas pris en considération. À l’heure actuelle, nous ne savons pas si nous pourrons rouler avec les WRC l’an prochain. Comme nous sommes là seule équipe dans ce cas, je n’ai pas l’impression que nous intéressons grand monde. Mais s’il fallait revenir en WRC2 l’an prochain avec une Rally2, cela ne pose pas de problèmes.”




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roumic67
roumic67
3 années il y a

La Targa Florio tout une histoire avec des monstres sur les routes de Sicile que les moins de 40ans ne peuvent pas connaître.
Aller “les vieux cons” il veut vivre avec son temps, c’est pourquoi à plus de 70 ans je suis encore au bord de la route.

jmb17
jmb17
3 années il y a

Pierre-Louis n’arrive pas à concrétiser ! C’est là qu’est l’os, Florent…