Dans cette semaine de la finale des rallyes, Jeff revient sur l’une éditions les plus célèbres, avec la finale de Sens en 1996 disputée dans des conditions climatiques particulièrement difficiles.
22 novembre 1996. Dans la basse vallée de l’Yonne, l’obscurité, le froid et la boue attendent les 142 équipages qualifiés qui viennent de quitter Sens en direction de l’inconnu. A Villeuneuve-sur-Yonne, les 14km chronométrés du prologue s’érigent d’entrée de jeu en juge-de-paix du rallye où, à plus de 103km/h de moyenne, le local et talentueux Philippe Jalouzot s’impose à la lueur des phares au volant d’une redoutable Subaru Impreza GrA.
Certes, le jeune restaurateur de 28 ans connaît le terrain, il est ici « à la maison ». Certes, il dispose de « l’arme fatale ». Certes, il est avantagé par les conditions météorologiques, mais l’Icaunais a seulement découvert sa monture le matin- même sur … une piste de Kart ! Dans la nuit et le brouillard, le vainqueur du Trophée Citroën ZX 1995 pose 11sec à la Subaru de Jean-Pierre Champeau et 14sec4 à la Porsche 911 GrF de Serge Sastre. Pour Jalouzot, l’entame est parfaite. Pour tous, les conditions sont terribles, déjà. Et demain s’annonce pire encore…
23 novembre 1996. Au crépuscule, cette longue étape hivernale de huit chronos accouchera d’un successeur à Stéphane Poudrel. Mais avant ça, et dés l’aube, il faudra affronter le verglas, la pluie, la neige, le brouillard et la gadoue. Depuis l’Auvergne en 1985 à Vichy, la Finale de Sens se montre la plus difficile et piégeuse de l’histoire. Mais les difficultés et les conditions imprévisibles représentent l’essence même de la discipline, non ?
Jalouzot en impose mais Sastre lui vole le scratch dans Vaudeurs, au moteur et au courage, avant de s’embourber lors du second passage à Villeneuve. Sur sa R5 Turbo, le funambule Daniel Girardon prend alors les rênes du GrF mais comme Sastre, le vainqueur de la Finale 1984 à Mende part à la faute dans le terrible tronçon de Villeneuve. Lui aussi au volant d’une R5 Turbo Tour-de-Corse, Thierry Batteau s’empare alors du commandement de la catégorie. Face aux éléments, il mène sa barque intelligemment et remporte le GrF (15ème scratch) non sans avoir eu fort à faire avec l’Opel Manta GT/E de l’excellent Gilles Cellier. Ce dernier claque un 12ème temps absolu à Vaudeurs, avant de signer le scratch du Groupe dans l’impitoyable Villeneuve !
Faisant preuve – comme d’habitude – d’une faculté d’adaptation assez déconcertante, Philippe Jalouzot survole sa Finale. Sa domination ne souffre d’aucune contestation. Facile, diront certains… Peut-être, mais cela reste une grosse performance. Pour moi qui suis nostalgique du GrF, adepte de la diversité et grand « défenseur » de l’amateurisme, la dernière Finale remportée par un véritable amateur c’est Cannes 1995. Cette année-là, Stéphane Poudrel avait réalisé le rallye de sa vie avec « sa voiture » et offert à la mythique Renault 5 Turbo sa dernière victoire à ce niveau. La consécration de Jalouzot en 1996 nous fait basculer dans une nouvelle ère, celle des transmissions-intégrales et des Kit-Car même si Rouillard, Nantet ou Astier ont fait exception. Dès-lors, la Finale devient à son tour une vitrine pour les constructeurs.
En 1996, « l’esprit-Finale » s’envole un peu, mais pour le héros du jour, ce sacre est une juste récompense. Sa magnifique course « volée » lors de la Finale 1994 à Tournus avec la 309 GrA, sa domination en Trophée ZX, les soutiens de Bernard Bouhier ou d’Olivier Lamirault plus tard, n’ont en effet pas suffi à propulser la carrière que Philippe Jalouzot méritait.
Dès ses débuts en 1990 avec une 309 GrN, dans une 309GrA ensuite, en formule de promotion, puis au volant d’une M3 ou d’une Mégane Maxi (4ème du Var 98, 5ème du Lyon-Charbonnières 99…) Jalouzot a impressionné. Philippe est un passionné, un attaquant, il est redoutable sur tous les profils de routes et semble doté d’un petit-plus… Le « sixième-sens » ? En 1996, sans solution pour rectifier une énième fois sa sinueuse trajectoire, le restaurateur saisit l’opportunité un peu folle de découvrir une Subaru GrA et de gagner la Finale dans la foulée…Et il gagne son pari ! Une victoire à sens unique, peut-être, mais une victoire sans appel. Avec du recul, ce triomphe constitue probablement la consécration de sa carrière.
Derrière le vainqueur, Patrick Rouillard est impérial, il termine 2ème au volant de sa BMW M3, à 2min48 du vainqueur. Dans ces conditions, avec une propulsion, il s’agit d’un véritable exploit. Benoît Duchêne complète le podium avec sa Clio GrA. Ce dernier a même claqué un 2ème temps scratch dans le dernier passage à Villeneuve, rappelant au passage qu’il avait empoché la Finale 1991 de Mulhouse, déjà dans une Clio. Aujourd’hui, et depuis quelques années, le pilote de Fougerolles en Haute-Saône s’est reconverti au VH. Au volant d’une R11 Turbo, Benoit a récemment enchainé une vingtaine de victoires scratches, à 70 ans, et avec 21 années de licences au compteur. Duchêne, c’est du solide !
A Sens, notons la performance de Jean-Yves Requin qui termine 1er N2 et 21ème scratch au volant d’une Honda Civic, alors que Patrice Rousseau décroche la N3 avec sa 306 S16 (16ème scratch). En N1, furieuse bataille remportée par la 205 Rallye du rapide Christophe Guicheteau, pour 2 dixièmes face à la 106 de François Pelamourgues ! En A5, belle prestation de Francis Valdenaire, 23ème scratch avec son AX Sport.
Plus haut dans le classement, François Pointet impose avec brio sa Mitsubishi Lancer en GrN (8ème scratch / 1er N4). Juste derrière lui, dans la même classe, deux « soufflettes » soufflent le chaud et le froid… Plutôt le show d’ailleurs! En l’absence de grip, deux « givrés » en R5 GT Turbo ont offert au public le clou du spectacle !
A l’issue d’une remarquable première saison de rallye, Frédéric Mallon, 24 ans, aborde cette Finale avec son copilote Armand Chatain et une seule stratégie : maximum-attaque ! En disciple de Jean Ragnotti, Fred excelle dans l’art de mettre sa petite R5 GT en glisse, même dans le rapide (!), il a un certain sens du spectacle et adore les conditions extrêmes. Du bord de la route, Mallon se révèle digne héritier des Gazaud, Montagne, Duchêne, Thuel-Chassaigne et autre Vilte. Sauf que l’espoir Ligérien n’a prévu… que des slicks ! Et que face à lui, il y a le terrible Marc Vilte. Petite parenthèse pour situer le niveau du « guerrier » de Meurthe-et-Moselle : à 35 ans, ce dernier vient de finir sur le podium scratch des Côteaux-Champenois avec sa R5 GT… Trois ans plus tard, lors de l’Alsace-Vosges 1999, une épreuve marquée par les performances de Sébastien Loeb et Stéphane Peterhansel, le grand Marc termine 7ème scratch avec une 306 S16 N3 ! Fermons la parenthèse.
A une seconde de son aîné dans le prologue, le jeune Ligérien part à la faute au petit-matin, dans l’ES2. Et y laisse un gros paquet de secondes. Marc s’envole mais Frédéric se révolte et claque un sensationnel 12ème temps absolu lors du second round à Villeneuve, puis il devance Pointet et Vilte dans l’ES5… Ce 23 novembre 1996, au dessus de l’Yonne, Mallon et Vilte réalisent le rêve d’Icare : ils volent.
La folle remontée de l’équipage Montbrisonnais est hélas interrompue par des soucis d’embrayage, il échoue à la 17ème place finale, à plus d’une minute d’un Marc Vilte souverain. Mais Frédéric et Armand devancent néanmoins toutes les Clio N3. Vilte rentre dans les 10 (!) lors du dernier passage aux Bordes pour vite rejoindre Sens à une ahurissante 12ème place scratch… Devant toutes les N3. C’est une des perf’ du rallye. Pour sa part, Frédéric Mallon est probablement la révélation de cette Finale !
13 octobre 2023. Dans l’écrin de verdure et les montagnes du Livradois-Forez, de véritables morceaux-de-bravoure attendent les 231 équipages qualifiés qui vont quitter Ambert pour écrire la suite de l’histoire. Qui sera le premier leader à la lueur des phares ? Quel juge-de-paix va accoucher d’un successeur au formidable Thomas Chauffray ?
Philippe Jalouzot, un talent pure. Quel plaisir de le voir courir encore, le coup de volant est bien là!!!!
Quelle finale !! Je me souviens surtout des conditions climatiques abominables… Franchement on se caillait le c.. !! Autre vite également Christophe Ghillet et des passages de feu sous la neige fondue