La Finale 2022 annulée est pour beaucoup un crève-cœur, si on peut évidemment relativiser cette annulation, il faut aussi avouer que les rêves, les passions, l’automobile et les sports mécaniques sont dans le collimateur de la “World-Company” depuis un moment déjà.
Il ne faut pas oublier non plus que le rallye a la cruelle particularité de ne pouvoir être pratiqué par une immense majorité de ses amoureux. Le rallye est un sport très cher et pour beaucoup, une passion vécue par procuration. Les spectateurs, les commissaires, les bénévoles, « l’armée des ombres » des anonymes, au même titre que les amateurs pratiquants, sont l’âme du rallye.
1995. Stéphane Poudrel est pilote-préparateur, un touche-à-tout de génie qui incarne les vraies valeurs de l’amateurisme et représente tous ceux de l’ombre. Le pilote de Montélimar reste à tout jamais le héros de cette grand-messe du rallye qui débute au Cannet, dans les Alpes-Maritimes, le 2 décembre 1995. Inoubliable !
Sous un beau soleil d’hiver, la liesse et l’engouement qui ont porté Stéphane Poudrel et son copilote Bernard Froment sur les hauteurs de Cannes reste un moment de pure émotion. Lors de ce week-end passé dans les hauts-lieux que sont Saint-Cézaire, Châteauvieux, le Blavet ou les Trois-Ponts, le pilote Drômois est devenu une légende du rallye français. Les champions ne sont pas tous des légendes. Encore moins dans le milieu des amateurs. Le triomphe de Stéphane et Bernard lors de cette Finale de la Coupe de France au volant de la fameuse R5 Turbo « Tour-de-Corse » bleue, rose et jaune est gravé dans toutes les mémoires.
Le verdict de cette Finale, c’est un peu l’histoire de David contre Goliath. Au bout, c’est une victoire magnifique, celle du public, des spectateurs, des sans-noms. Pour des milliers de passionnés, Poudrel personnifie une certaine philosophie de la discipline, la beauté du sport! Dans le jardin de Dominique de Meyer -favori logique et désigné de cet épilogue d’une année de rallye hexagonale. Et en une seule épreuve chronométrée, la toute première, la fameuse spéciale des Trois-Ponts, Stéphane devient l’homme à battre. Il a suffit de trois ponts et de 4,35km pour que le costume de favori change d’épaules.
Ici même, le 31 mars 1995, lors du rallye Grasse-Alpin, Philippe Bugalski et son copilote Thierry Renaud avaient avalé ce tronçon légendaire des Trois-Ponts en 2min13avec leur Clio Maxi. Le lendemain, peu avant 16H, Thierry Renaud perdait la vie du côté de Châteauvieux…
2 décembre 1995. En 2min14 la fameuse R5 Turbo et son équipage prennent les commandes de l’épreuve à 116,86km/h de moyenne ! Une leçon et un avertissement lancé aux grosses équipes et à une armada de BMW M3 dont celles de Mourgues et De Meyer. Le « Petit-Poucet » Poudrel réussit le scratch devant 130 équipages, devant Gany, De Meyer, Rouillard, Grandjean, Fotia, Sastre, Mourgues…Il est galvanisé par son chrono, littéralement porté par un public acquis à sa cause. Stéphane pensait à la victoire en GrF et visait au mieux un podium mais dans les Trois-Ponts, il a immédiatement compris que la victoire était à sa portée. Malgré la fatigue, malgré les pièges, malgré le verglas, malgré les coups-bas (!) Stéphane et son copilote Bernard Froment réussissent la course de leur vie. De Meyer se montre intouchable dans l’ES3 de Saint-Cézaire puis la maudite spéciale de Châteauvieux est annulée. En effet, Gérald André tape une bordure et bloque la route, Stéphane Jamot déboule et met sa M3 sur le toit, Dominique Moulin arrive à son tour et tape la BMW accidentée…
Dans le Blavet, le conducteur de travaux Drômois à la R5 Turbo donne tout et signe à nouveau le scratch devant Gany et Rouillard. De retour aux Trois-Ponts, il continue son festival, scratch ex-æquo avec Gany. Dans le « rapide » la belle bleue est impressionnante, ça vole…Le parcours est rapide mais privilégie quand même le pilotage. Le style en finesse de Poudrel y fait merveille. L’attribution de la victoire se joue sur la distribution de points aux vainqueurs de groupes et de classes à chaque section constituée d’un groupe de spéciales. C’est un peu compliqué mais surtout, ça implique que ce n’est pas forcément le vainqueur du rallye qui remporte la Finale…Poudrel « se balade » en GrF et n’a donc pas l’obligation de gagner le rallye au général, vous suivez ? Il y a des sections qui lui échappent mais ce n’est pas par calcul, il donne tout du premier au dernier mètre de chaque spéciale et claque trois scratchs. En coulisse, il y a un arrangement pour demander à Jeff Mourgues de pointer en retard et permettre ainsi d’offrir une victoire de section à De Meyer. Et par la même occasion la Coupe de France ! Jean-François se laisse entrainer dans ces basses décisions politiques et a d’ailleurs regretté son erreur. Il n’est pas vraiment responsable du chaos qui va suivre. Pour la foule présente, prise de fureur et d’un élan de sympathie pour leur héros, c’est un crime de lèse-majesté. Au parc d’arrivée final, une bombe à retardement menace le podium, un véritable essaim de passionnés se forme et n’imagine pas un instant que Stéphane Poudrel et le GrF puise être lésé de la sorte. Le ton monte, l’ambiance est électrique. Sans cette pénalité volontaire, De Meyer gagnerai le rallye 12 sec devant Poudrel et 19 sec devant Mourgues et la Coupe reviendrait de droit à Stéphane, l’homme fort du rallye. Finalement, après avoir entendu les pilotes impliqués, le collège des commissaires retire la pénalité prise par Jean François Mourgues. Dominique De Meyer remporte le rallye et Stéphane Poudrel la Coupe de France, à 35 ans. L’honneur est sauf, « l’église reste au milieu du village ». La Finale consacre un authentique amateur indépendant. Cette compétition reste celle des amateurs même si depuis…
De la Kadett à la Triumph TR7, le Drômois a -presque- tout piloté mais demeure, avant tout, le dernier à avoir fait triompher la R5 Turbo à ce niveau de compétition. C’est au volant de la plus mythique et monstrueuse production estampillée Losange que Stéphane Poudrel a acquis sa notoriété. Ceci dit, même sans ce fameux épisode Cannois, je pense que c’est avant tout pour ses qualités humaines et sportives que le pilote de Montélimar est devenu populaire, bien malgré-lui. Car l’homme est aussi talentueux qu’humble et honnête. Stéphane a flirté avec le professionnalisme mais il reste un amateur dans l’âme. Le sacre de 1995 représente pour lui un aboutissement à ses deux passions pour la technique et le pilotage.
Aujourd’hui, 27 ans après son sacre, le pilote de Montélimar est loin d’avoir coupé les ponts avec la discipline. Il donne une seconde vie à la Triumph TR7 en VH, avec brio et réussite. Je pense qu’à l’image de son idole Jean Luc Thérier, la plus belle victoire pour Stéphane est de voir les gens heureux et ainsi entretenir la flamme, la liesse. Pour le héros des Trois-Ponts, le rallye, avant tout, doit rester une fête populaire. Qu’en reste-t-il, 27 ans plus tard ?…
Je dédie cette rétrospective à Alexis Freycenet qui a pris le départ d’une «spéciale» longue et difficile, mais armé de courage et de patience, et avec la vie devant lui, Alexis en viendra à bout car c’est un guerrier. Il va se remettre debout puis reprendre son chemin… La vie est parfois une route sinueuse mais il ne faut jamais rien lâcher Alexis !
SUPER article sur un GRAND MONSIEUR DU RALLYE dont le talent est égal à sa modestie !j’ai la chance de le cotoyer depuis ses débuts, il est arrivé alors que je roulais depuis quelques années ( il a la chance d’être plus jeune ! )on a partagé de belles années, que du plaisir. ..Bravo à toi pour ce que tu as fait et…ce que tu continues à faire.On se voit moins mais quel état d’esprit !
A un de ces jours !Christian Dumas
Merci beaucoup, ça c’est du reportage! Ah quelle belle épopée, et époque, que cette finale avec ces inoubliables Groupe F.