L.Pellier : “Mon objectif est de revenir en Rally2” (Grèce)



En lice pour le titre Junior WRC avant le rallye de Grèce, Laurent Pellier n’a pas pu concrétiser sur cette épreuve, trahi par la mécanique de sa Ford Fiesta Rally3, comme trop souvent cette saison.

Avant de rencontrer ses problèmes, le Français était à la bagarre au dixième avec le Paraguyen Diego Dominguez, lui aussi impliqué dans la bagarre pour le titre mondial. À l’issue de cette dernière épreuve en Grèce, le multiple vainqueur de formules fait le bilan de cette manche et plus globalement de cette première saison sur les spéciales du championnat du monde.

Pour cette dernière épreuve de la saison, tu avais l’ambition de remporter le titre JWRC et ainsi vivre une saison 2024 passionnante. Pendant deux jours et demi, tu as pu y croire, mais un problème de transmission a ruiné tes espoirs le samedi matin. Quelles sont tes impressions après ce week-end malheureux ?

“Plus précisément, c’est le différentiel qui a cassé. En pleine ES d’un coup nous nous sommes retrouvés impuissants, en roues libres. Effectivement nous y avons cru, je ne m’étais mis aucune pression, mais vendredi soir j’étais interviewé comme virtuellement Champion du Monde, donc forcément tu commences à y penser. Pour ce qui est de la mécanique, quand en 5 courses tu prends dans les dents, un moteur (Croatie), un différentiel (Grèce) et une bobine (Sardaigne), je n’appelle plus vraiment ça de la malchance ou du malheur !..

Après il faut continuer et avancer. Dès le dimanche on a réagi avec Kévin en faisant les 2 meilleurs temps sur les 2 ES parcourues. Que nous ne ramenions pas le titre à la maison est une chose, j’aurais juste aimé faire le rallye totalement, engranger des kilomètres et poursuivre la bataille à la régulière y compris avec Creighton.”

À quel point ce rallye était-il difficile, particulièrement avec une Rally3 ?

“C’est un rallye difficile pour les voitures mais aussi et surtout humainement/physiquement. C’est pour ça qu’il est réputé. Nous avons fait 3.5 jours de reconnaissance au lieu de 2 habituellement. Sur 15 spéciales, tu en a 10 de différentes car pour la plupart tu n’y passes qu’une seule fois. Cela te fait automatiquement plus de boulot en amont. Il y a une logistique plus importante également, avec 3 secteurs, Athènes, Loutraki et Lamia qui sont 3 villes éloignées les unes des autres. Cela implique de refaire ta valise plusieurs fois, du temps sur la route etc. Le rallye démarre avec une journée marathon. Ce sont pleins de « bricoles » qui font que tu as la tête chargée toute la semaine !

Pour corser un peu la difficulté, les dieux Grecs ont ajouté la tempête pour les reconnaissances ! Puis ils ont renvoyé le soleil pour pimenter le casse-tête des pneus. Certaines ES étaient sèches, d’autres pas… !

Pour le terrain, j’ai trouvé que les pièges et zones cassantes restaient globalement bien identifiables. Tu vois en faisant les reconnaissances que tu es sur une zone ou le risque de crevaison est élevé car ces pierres sont visibles. A l’inverse en Sardaigne, pendant les recos, la piste est propre puis évolue pendant la course.

Alors, tu as le choix de le prendre ou de l’éviter. Dans certaines notes, j’avais « hors des rails » par exemple pour éviter de crever sur un rocher qui ressort. Le deuxième tour du samedi semblait vraiment difficile d’après les dires, mais je n’ai pas eu la chance de le faire. Au final j’ai toujours fait les spéciales qu’une fois et je n’étais pas surpris de ce que je trouvais. Avec la Rally3 nous n’avons pas les débattements des WRC et Rally2, forcément tu ne peux pas te permettre les mêmes choses. Il faut un peu plus rouler avec la tête et en garder sous le pied.”

Les reconnaissances ont notamment été très difficiles. Comment ça s’est passé pour toi et Kévin ?

“De notre côté nous avons réussi à tout faire. Certains avec des voitures 2RM n’ont pas pu tout reconnaitre. Pour aller au départ des reccos du Shakedown, c’était tellement boueux qu’une Lancer EVO X Groupe N s’est embourbée, c’est dire ! Certaines zones étaient comme de la glace.

Globalement, il y avait énormément d’eau qui tombait, on avait souvent les essuies glaces à bloc, et parfois on avait du brouillard à ne pas voir le bout du capot. Toute cette eau stagnait dans les rails et/ou créait des zones de boues extrêmes ! L’eau ou plutôt les ruisseaux, qui traversaient les pistes ont créé des tranchées, les gués étaient pleins. C’était quelque chose !

Tout cela a rendu la prise de notes vraiment difficile. Tu n’avais pas de vitesse, sur tes cams de recco tu ne voyais rien et puis avec cette visibilité réduite, il y avait le risque d’avoir loupé une pierre, un piège de manière générale.

Honnêtement en cours de reconnaissance, on s’est dit que c’était limite quand même. Finalement il faut saluer le gros boulot de l’organisation qui a réussi à maintenir l’épreuve et une très grande partie des ES !

Cette année, tu as finalement signé deux podiums en course, mais tu as également connu deux “abandons “sur des problèmes mécaniques. Quel regard portes-tu sur cette saison en mondial ?

“Pouvoir faire une saison de mondial, j’en ai rêvé et maintenant c’est une chose faite. Alors oui, le résultat final est entaché par ces problèmes, c’est un fait. Quand je me lance dans un truc c’est pour gagner évidemment mais il faut relativiser. Je suis en bonne santé et je ne suis pas payé pour faire du rallye, lundi, à l’aéroport j’ai rappelé mes clients. Je sortais de deux années où j’avais gagné deux titres et 11 fois ma catégorie en 12 courses. C’est clair qu’on prend goût au champagne sur les podiums !

Je pense que nous avons réalisé une belle saison et su nous mettre en avant, faire parler de nous. Nous avons su signer des temps scratchs partout, et se battre pour la victoire, sur toutes les surfaces et ce, sur des spéciales connues de notre concurrence. Avant la Suède et la Croatie, nous n’avions toujours pas pu faire d’essais, il ne faut pas l’oublier !

J’ai appris le mondial, ses trajectoires tendues, ses cordes, même sur la terre. Plus généralement, j’ai appris son format, les journées y sont longues, il y a un step de difficulté supérieur à ce que j’avais trouvé auparavant en ERC. L’expérience est prise. Par exemple et avec du recul, en Sardaigne j’aurai peut-être dû garder un peu plus de marge sur certaines portions. En Grèce, l’expérience de la Sardaigne m’a servi de leçon, nous n’avons pas crevé et commis aucune erreur.”

Et maintenant, quelle pourrait être la suite de ta carrière ?

“Avant toute choses, j’aimerai remercier ceux qui nous ont soutenu pour faire cette année et me permettre d’être au départ de l’intégralité des manches du JWRC.

Pour la suite il y a deux cartes sur la table. J’ai un partenaire « socle » qui croit en moi et c’est une première pour moi. D’habitude ce sont plusieurs « petits » partenaires qui me permettent de pouvoir rouler. Je suis en contact avec des constructeurs et des discussions ont démarré peu avant la Grèce pour 2024. Mon objectif est de revenir en Rally2. Maintenant il faut étudier les différentes pistes et voir si elles sont réalisables. Si aucun constructeur ne croit en moi, qu’aucun ne nous aide pour continuer d’évoluer, alors il sera peut-être temps de revoir nos ambitions.

Quand je regarde dans le rétro en lisant le récit de JEFF qui est sortie en début de semaine, et les nombreux commentaires qui ont suivi, la réalité est quand même triste. 10 années de rallyes, de victoires, de formules de promotion, de titre en France et en Europe, pour s’entendre dire « Bravo, on te veux avec nous… Blabliblabla mais surtout, tu as quel budget ? ». Chaque intersaison c’est un peu comme si les 4 coachs se retournaient à The Voice, donc tu y crois, mais ensuite ils te demandent combien tu as pour aller dans leur équipe… Forcément ça fausse les cartes et en général les discussions tournent court ensuite.

Cela fait 10 ans que je fais (et mes proches également) des sacrifices pour tenter de percer. Il y a une certaine lassitude à cette situation tenue par l’argent plus que le reste. Même si son parcours est encore différent, j’ai vu une interview de Yohan Rossel où il explique un peu la même chose. Les Français semblent délaissés actuellement, ou moins convoités en tout cas. Il faut réagir si on ne veut pas subir le règne des Finlandais et autres scandinave. A part Adrien Fourmaux s’il revient rapidement dans une Rally1, quel Français serait capable d’inscrire sous 3 ans son nom au sommet du WRC ?

Quoi qu’il arrive en 2024, cela reste ma passion et je ne pense pas pouvoir raccrocher comme ça. En 2019, quand je n’avais plus rien, j’ai roulé sur un régional avec une Clio N3 et j’étais content ! Pour le moment nous n’en sommes pas là et j’espère bien pouvoir mettre à profit les années d’expérience acquises aussi bien en ERC qu’en JWRC pour continuer à me battre au haut niveau.”




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cric 12
cric 12
1 année il y a

Malheureusement en sport mécanique le talent seul ne sert à rien. L’argent reste le nerf de la guerre et c’est bien regrettable ..

Felipe
Felipe
1 année il y a

Le wrc a un vrai problème à court terme et son avenir me paraît bien sombre. Le wrc1 ne laisse aucune opportunité à un jeune même muni d’un budget. Un Mikkelsen ne peut même pas y accéder… Reste le wrc2 qui devient de plus en plus intéressant. Mais… Peut-il remplacer le wrc1 ? La FIA a-t-elle une vraie réflexion en cours ? Pilotes et constructeurs (et sponsors) sont-ils consultés ?