Indissociable de Cédric Robert depuis plus de quinze ans, Matthieu Duval a accumulé une expérience assez folle depuis ses débuts en 1998.
Entouré d’une équipe de passionnés, le duo Robert/Duval est toujours parvenu à s’illustrer malgré des moyens souvent très limités par rapport à la concurrence. Cette année encore, et malgré une saison 2024 assez difficile, les deux hommes ont signé de belles performances, parvenant à glaner deux titres avec le 2 roue motrices et le trophée Michelin.
En cette fin d’année, nous sommes partis à la rencontre de Matthieu, l’un des copilotes les plus emblématiques du championnat de France Asphalte.
Cette année 2024 n’aura pas été la plus simple avec Cédric même si vous avez gagné deux titres de champion.
” En effet, 2024 est une saison en demi-teinte. Évidemment déjà, car c’est notre première vraie sortie en 17/18 ans de collaboration avec Cédric (Robert). Cette sortie au Charbo a amputé énormément sur notre budget. On a pu repartir grâce à l’effort d’Alain Bonneton et à tous les copains bénévoles qui ont travaillé sur la caisse juste après le rallye. On s’est vite retrouvés dans le garage pour refaire l’auto afin d’être prêts pour l’Antibes.
Après ça, nous n’avions plus le droit à l’erreur et c’était déjà un miracle de pouvoir continuer le championnat. Cédric a 51 ans et il n’était quasiment jamais sorti de sa carrière. Je me rappelle de celle en 307 WRC au Tour de Corse et il ne doit pas y en avoir beaucoup d’autres.
Au Charbo, ce n’est en plus pas une sortie car on attaquait trop. L’entrée et la vitesse étaient les bonnes, mais on se fait avoir en sortie de virage sur des graviers. C’était assez incompréhensible pour Cédric et ça représentait une grosse remise en question. Finalement, on casse la boîte à l’Antibes en reprenant celle du Charbo, car elle n’était pas touchée. C’est dommage, car on avait une deuxième boîte de secours.
Après ça, c’était assez compliqué dans le championnat. On n’était pas super en châssis et on a eu quelques soucis. Au Var, c’était beaucoup mieux avec plus de performances. Godard avait la même voiture que nous et on termine bien devant. Ce dernier rallye nous a vraiment fait du bien, car il était assez décisif pour la suite et ça nous a remotivé pour la saison prochaine. On fait un beau rallye, mais c’était dommage de n’avoir ni Quentin (Gilbert), ni Raphaël (Astier). On termine donc bien l’année, et en plus, on gagne deux titres, c’est toujours bénéfique.”
Comment est composée votre équipe ?
“Tout le monde est bénévole dans l’équipe et je vais en profiter pour parler de tout le monde car ils le méritent tous. Bruno est le chef de la mécanique et c’est une pièce essentielle. Cyril travaille avec lui directement. Patrice est chargé de la logistique et des pneus. Michel L. du refueling et du camion et Thierry de la cuisine. Alain (Bonneton) porte toute cette équipe, accompagné par Sylvain. Régine et Valérie sont là pour l’intendance alors que Jean-Michel et Hervé travaillent sur la communication. Tout le monde est important et c’est une bande de potes. Pour les amortisseurs, il faut ausi saluer Daniel de chez R-TEC et Michel B. Jean-Christophe et Michel Be. nos ouvreurs”
Comment ce duo avec Cédric s’est formé ?
“Cela fait bientôt 20 piges que l’on roule ensemble. Je l’ai rencontré pour la première fois en 1997/1998 par l’intermédiaire de Gilles Cellier. Je l’ai plus connu chez Paverani en 2006, et en 2008, on a commencé à rouler ensemble. Nous sommes différents tous les deux et assez complémentaires. Il y a une certaine complicité entre nous deux, même si parfois, surtout quand tu n’as jamais de budget comme nous, ça peut être super tendu.
On a toujours pu rouler ensemble malgré quelques discussions avec d’autres copilotes qui pouvaient être intéressés de monter dans de grosses autos comme la 307 WRC à l’époque de GPC. J’ai été toujours été très clair avec Cédric et je ne voulais pas laisser ma place, sinon j’arrêtais.”
As-tu envisagé de rouler à plein temps avec un autre copilote ?
“S’il n’y avait pass eu Cédric, je pense que j’aurais eu d’autres opportunités en France, car tout le monde me connaît. Je pense à des gars comme Eric Mauffrey qui a changé trois fois de copilote cette année. Dans toute ma carrière, je n’ai jamais pointé en retard ou en avance une seule fois, ni été responsable d’une sortie de route. Je suis quelqu’un de très débrouillard et j’ai sauvé certaines situations à plusieurs reprises. Je n’ai jamais pu passer le cap du professionnalisme, notamment car j’avais trop de choses à faire à côté et que je ne voulais pas me mettre en difficulté par rapport à ma vie familiale. Rouler dans les conditions actuelles me va très bien. On passe de supers bons moments et j’ai toujours vu le rallye comme un loisir. J’ai aussi laissé passer quelques occasions car je n’étais pas bilingue, ça m’a fermé quelques portes.”
L’an passé, tu as loupé plusieurs rallyes à cause d’un accident de travail. Comment as-tu vécu cette période ?
“Je me suis cassé le tibia, et j’ai été obligé de m’arrêter un bon moment, et je suis d’ailleurs toujours convalescent. Pendant mon absence sur trois rallyes, Cédric a malheureusement fait plusieurs erreurs. Cela montre aussi qu’il y a quelque chose de spécial entre nous.
Juste après mon accident, j’étais assez serein pour pouvoir revenir assez vite, mais c’était plus inquiétant ensuite. Je suis revenu au Coeur de France, car Cédric et l’équipe m’ont demandé de revenir assez tôt alors que j’étais encore en fauteuil et pas rétabli.”
Tu fais partie des copilotes qui ont de grandes capacités en mécanique. Tu as d’ailleurs sauvé pas mal de situations pendant ta carrière.
“J’ai bien sûr pas mal de belles histoires à raconter. Avant tout, il faut se dire qu’il ne faut jamais rien lâcher en rallye car tout est possible jusqu’à l’arrivée. Selon moi, un copilote doit être bon en mécanique et Cédric dit toujours qu’il a son MacGyver avec lui.
D’ailleurs, je suis toujours surpris de voir des copilotes qui n’ont pas de grosses compétences en mécanique. Je ne suis pas au point pour faire des tableaux, ou parler anglais, mais je trouve que ça manque de débrouillardise dans ce milieu, sans être méchant. Quand je vois des gars comme Thierry (Neuville), Adrien (Fourmaux) ou Sébastien (Ogier), ce sont des gars qui ont des connaissances et qui ont appris à travailler sur les autos.
Un copilote doit comprendre et assimiler les risques de pannes, tout en étant capable de faire plein de choses sur la voiture entre deux spéciales. Je prends comme exemple les soucis de Réhane (Gany) au dernier rallye du Var. Franck, son copilote, est bon sur ce plan-là, mais il y avait un petit truc en plus à faire (au niveau des durits).”
“Je me rappelle aussi de Neuville avec la bière au Mexique. C’est un point très important que l’on oublie parfois, mais lui et Ogier savent bosser et réagir vite face à un problème.
Comme j’ai roulé avec une cinquantaine de pilotes différents, j’ai forcément plein d’anecdotes. Au Monte-Carlo 2017 avec Charles Martin et Renault par exemple. Charles avait perdu ses gants entre deux spéciales et n’en avait plus. Heureusement, j’avais une paire de rechange dans ma sacoche et on a pu éviter le hors course. En fin d’année, j’ai d’ailleurs prêté mes gants à quelqu’un d’autre. Au Var, j’ai par exemple donné une pile à un autre concurrent. Il faut d’ailleurs que j’en remette une dans ma sacoche qui est assez pleine !”
On parle de plus en plus de professionnalisme pour les copilotes, même en amateur. Qu’en penses-tu ?
“Sur les méthodes de travail sans doute, mais dans les faits, ça reste très difficile d’en vivre. Très peu de concurrents peuvent se faire une retraite en étant dans une voiture de rallye. Certains passent par des associations ou par différents arrangements, ou n’ont pas d’assurance. C’est vraiment un milieu très difficile. Ça demande énormément de temps, quasiment 10 semaines pour un championnat de France, et il faut avoir la situation familiale et professionnelle qui vont avec ça.”
Comment se profile la saison 2025 avec Cédric ?
“Nous sommes en pleine recherche de budget et l’Alpine est en vente. On rêverait évidemment de passer à la GT+. L’an prochain, le règlement devrait prévoir que les GT+ soient éligibles pour le championnat 2 Roues Motrices et ce serait impossible de lutter avec notre “simple” Alpine. À voir…”
Beaucoup d’acteurs du rallye saluent la montée en puissance du championnat de France, notamment grâce au groupe R et plus précisément des Rally2. Quel est ton avis ?
“En tant qu’artisan dans la mécanique, je ne vois pas le groupe R d’un bon oeil. Par exemple, de nombreux petits artisans en soudure ne peuvent pas travailler sur ces autos. Avec ce groupe R, un amateur ne peut plus monter sa caisse. Heureusement qu’il y a le F2000 pour ça, et quand on voit la popularité et les performances de gars comme Jeudy et Dommerdich, c’est top. Il faudrait des voitures plus accessibles pour les jeunes, car 40 000€ pour rouler en Rally6, ça ne fait rêver personne.
Je trouve aussi globalement que l’engagement est beaucoup trop cher (1650€ pour une manche de championnat). Le shakedown est à 250€ alors que parfois, tu peux seulement faire 3 passages. Pour les ouvreurs, c’est la même chose, 300€ pour ça, c’est fou. Je pense qu’il y a des moyens pour réduire largement les coûts et permettre à de jeunes amateurs de se lancer.”