M.Franceschi : “On pouvait faire mieux que ça”



Engagé pour sa deuxième saison consécutive en ERC, Mathieu Franceschi a poursuivi sa progression, signant notamment trois podiums pour finalement terminer à la place de vice-champion derrière Hayden Paddon.

En cette fin d’année, Mathieu est revenu avec nous sur son dernier week-end de course, et plus globalement sur cette saison pleine.

Comment s’est déroulé ton week-end en Pologne ?

“Le week-end dernier, c’était encore un rallye nouveau pour nous. J’ai encore une fois essayé d’optimiser au maximum en anticipant les choses en prenant les notes en vidéos avec ce que j’ai pu trouver avant le départ. Comme ça, je peux déjà apporter des corrections dès le premier passage en reconnaissances. C’est comme si j’avais un troisième passage ou presque.

Niveau performances, c’était un peu compliqué sur nos choix stratégiques. Dès le début, on fait une erreur dans la qualification. Avec un peu de pluie et de la boue, on vise la meilleure position possible, car on pensait que ce serait favorable de partir devant. Finalement, c’était un mauvais choix. Il y a eu beaucoup de pluie dans les qualifications, tous les bords des routes étaient humides et il y avait un bon tapis de boue après quelques passages. Malheureusement, il avait moins plu dans les spéciales. Il y a eu peut-être plus de vent aussi. Mais dans l’ensemble, c’était bien plus séchant que prévu. En partant premier, on avait une sorte de poussière à nettoyer sur une route avec pas mal de terrains agricoles et donc des passages de tracteurs.

En plus de ça, on a fait un choix offensif pour partir sur un gros rythme en prenant des pneus mediums alors que les autres avaient des tendres. J’ai essayé d’ajuster la voiture après chaque spéciale, mais ça n’a pas été très efficace. J’ai surchauffé les pneus, mais je n’avais pas d’usure, j’avais beaucoup de patinage. C’était assez rigolo de piloter, mais ce n’était pas efficace. Toute la journée a été plus ou moins comme ça.

Le parcours avait un revêtement comparable à celui du Barum. Il y avait une grosse variation de grip et de goudron. À certains endroits, tu pouvais même glisser en étant à pied. Le grip pouvait changer tous les 600m, et parfois même au milieu d’un carrefour. Et globalement, le parcours n’était pas très technique avec pas mal de lignes droites et d’équerres.

Après une première partie décevante, on a réussi à aller dans le bon sens. Dans la dernière boucle, on a eu de la pluie et il y avait moins d’écarts de temps. Tout le monde roulait cette fois avec les mêmes pneus et j’avais finalement plus de grip que quand c’était sec. Le grip était plus constant et c’était plus simple. On a fait plusieurs temps dans le top 3 et on termine bien la saison. En plus, c’était quasiment ma première fois avec des pneus pluie en 4 roues motrices. Et les MW de chez Michelin ont été merveilleux. Pour moi, il aurait fallu qu’il pleuve pendant tout le week-end.”

Qu’est-ce qu’il t’a manqué cette année pour faire mieux que cette place de vice-champion ?

“Cette année, il y avait encore beaucoup de rallyes à découvrir et il a toujours fallu un temps d’adaptation à chaque terrain, que ce soit pour l’équipe ou pour moi. Dans l’ensemble, on fait un bon résultat sur la saison, mais on pouvait faire mieux que ça. Je ne suis pas forcément très satisfait. On avait des choses à mieux exploiter. C’était quand même super de se battre avec un gars comme Paddon, mais on aurait aimé être plus proche de lui. On pêche souvent le premier jour en termes de performances.”

Cette saison aura été bien pleine pour toi avec beaucoup de découvertes, mais aussi quelques confirmations sur les quelques rallyes que tu connaissais. Peux-tu nous résumer un peu ton année ?

“Globalement, on a réussi à être rapide partout. C’est un bon point, car tous les terrains sont différents dans ce championnat. En Hongrie, c’était magnifique de pouvoir jouer la victoire d’emblée. On termine deuxième malgré un tonneau et on fait le scratch dans la Power Stage.

Aux Canaries, c’était le week-end quasiment parfait en étant en bagarre à la seconde avec Bonato. On jouait le championnat, contrairement à lui, et je n’ai pas pris tous les risques pour gagner.

En Suède, c’était un terrain de fou qui ressemble à la Finlande. En tant que pilote français, ce n’était pas naturel. C’est assez dur d’imaginer les vitesses que l’on peut avoir après les reconnaissances. On fait quelques temps devant Solberg qui était chez lui, ou juste derrière pour quelques dixièmes. C’est vraiment dommage d’avoir fait cette erreur dans la dernière spéciale. Après deux rallyes de fous où l’on a joué le podium, c’était dur à encaisser. C’est une sortie en fond de 5 et ma première caisse de toute ma carrière.

Suite à cette sortie, l’Estonie a été compliqué, car c’était deux semaines après. J’ai manqué de confiance après avoir détruit une caisse à 400 000€. Physiquement, j’avais pris un coup aussi.

À Rome, c’était un rallye de fou. Il faisait super chaud et les spéciales ne changent quasiment jamais d’année en année et les locaux sont forcément très avantagés.

Au Barum, c’est incroyable d’avoir eu autant de crevaisons. On était dans la bagarre pour le top 5 et on crève trois pneus dans une même spéciale. Il n’y a eu aucun choc avec la voiture, et aucune trace de choc ni de dommage sur les jantes. Encore aujourd’hui, on ne peut pas expliquer ce qu’il a pu se passer. J’ai même crevé deux fois dans la même épingle.

En Grande-Bretagne, c’était un rallye de dingue aussi dans un décor semblable à l’Irlande. Les styles de routes étaient très particuliers. On a fait du mieux possible. Paddon avait déjà roulé là-bas et il a mis tout le monde à une demi-seconde au kilomètre alors qu’il n’était pas forcément très performant sur asphalte jusque-là. C’était un peu une surprise.”

Que peux-tu nous dire pour 2025 ?

“Des discussions sont déjà en cours pour l’année prochaine. La saison ERC se termine à la mi-octobre et ça laisse le temps de voir nos possibilités. On a fait cinq rallyes en deux mois. On commence plus tard et on termine plus tôt que les autres, c’est le choix du promoteur, c’est très dense.

Pour la suite, je suis partagé. D’un côté, j’ai envie d’aller au bout et d’être champion en Europe. D’un autre, j’ai envie de passer à l’étape du dessus en WRC2, même si le budget demandé est bien trop élevé pour moi. Déjà, c’est super d’évoluer à ce niveau et d’en arriver là. Je n’aurais jamais cru que c’était possible et je me dis que c’était peut-être la dernière fois dans ma carrière.”

Quelle est la différence de budget entre les deux championnats ?

“Pour l’ERC, il faut compter entre 50 000 et 60 000€ en fonction des rallyes. En WRC2, on part plutôt autour des 80 000€ par manche. Il y a 100 km de plus, deux jours de logistique en plus aussi et plus de pneus.

En participant à ERC, tu peux avoir le soutien de Michelin. C’est peut-être quelque chose qui manque au WRC ?

“Je trouve ce système de manufacturier pneumatiques un peu con en WRC. En ERC, on avait quatre marques qui se battaient entre elles et c’était top. Tout le monde a gagné d’ailleurs. Je ne comprends pas pourquoi c’est différent en WRC, tout semble plus verrouillé.

L’équipe de promotion est top aussi. Julien Ingrassia était là en Pologne et il a dit qu’il fallait absolument garder cet esprit dans ce championnat. C’est plus convivial que le WRC, tout le monde discute plus librement. Par rapport à ce qu’il se passe en mondial, ça donne de moins en moins envie d’y aller sur différents points. D’abord pour les pneumatiques comme j’ai pu le dire. Grâce à ce système, on peut avoir des soutiens financiers et même de la formation pour de jeunes pilotes. Quand on entend parler du nouveau règlement avec plus d’hybride et même de l’électrique, ça ne me plaît pas. Sans oublier qu’il faut aussi maintenant faire attention à ce que l’on dit au micro.”

Toute l’année, tu t’es battu avec Hayden Paddon et il a souvent eu des compliments pour toi. Quelle est ta relation avec lui ?

“C’est un mec humain, vraiment top, qui est abordable et à l’écoute. On peut parler de tout avec lui. C’est quelqu’un qui n’a plus rien à prouver et qui a conscience qu’il ne retournera pas en mondial. C’est un gars détendu, peut-être plus qu’avant avec cette vision des choses. Il m’a même conseillé sur les choix de pneus et différentes choses tout au long de l’année.”

Tu viens juste de finir ta saison en ERC. Quel est ton programme pour cette fin d’année ?

“Maintenant, je vais pouvoir reprendre à fond mes activités professionnelles. Je vais également aider un peu le team au Vaucluse et au Valais où il y aura quatre Skoda du team AMD. J’irai aussi au Var qui est proche de chez nous et c’est toujours intéressant d’aller sur cette épreuve. À Port Grimaud, il y a toujours des discussions intéressantes pour la saison d’après !”




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NISMO
NISMO
20 heures il y a

Il a fait une super saison, et mériterait de tripler en ERC.
Sa vision du WRC confirme que c’est pas la panacée à l’échelon au dessus.
Autre point : 80 000 € la manche en WRC2….c’est le prix d’un studio !!!
Comment font ils pour encore trouver ces financements ??

Felipe
Felipe
21 heures il y a

Un bon pilote et une personne bien sympathique, comme son frère d’ailleurs. J’espère que cet équipage pourra continuer en ERC l’an prochain. Avec des rallyes mieux répartis sur l’année, et davantage de pilotes disputant toutes les épreuves, ce championnat serait aussi intéressant que le wrc2.
Et merci pour l’interview RS. Ces articles sont pleins d’intérêt, qu’il s’agisse d’ERC, de WRC, de championnat (asphalte et terre) ou de coupe de France. Continuez !