Victoire magnifique et méritée pour Ford et Ott Tänak lors du dernier rallye de Suède. Pour l’Estonien, il s’agit du second succès sur les spéciales verglacées d’Europe du Nord. Le rallye de Suède demeure une épreuve atypique où il faut une concentration maximum, des notes parfaites, de l’expérience et une dose de courage… XXL !
C’est avant tout un terrain de spécialistes et de Nordiques, d’engagement et de glisse. Björn Waldegård a triomphé cinq fois ici, Stig Blomqvist sept fois… Le grand champion de l’ère moderne est incontestablement Marcus Grönholm avec ses cinq victoires. Depuis 1959, les hivernaux et hyper-rapides chemins forestiers d’Europe septentrionale (141km/h de moyenne pour Thierry Neuville dans le chrono de Norrby en 2023 !!) représentent un énorme défi. Surtout pour les « étrangers ». Depuis le 8 février 2004, on sait que Sébastien Loeb et Daniel Elena représentent le premier équipage non-nordique vainqueur du « Swedish- Rally ». Exploit ! Mais avant eux, deux des plus grandes prouesses de l’histoire du Rallye de Suède avaient déjà été signés par des pilotes Français. Deux géants qui ont ouvert la voie.
15 février 1973. Le 24ème Rallye de Suède compte 32 spéciales, totalise 760km de chronos, et, cette année là… les pneus cloutés y sont interdits ! Sur leurs Saab 96V4 tractions-avant, les « étoiles-filantes » Blomqvist et Eklund sont intouchables mais un petit « feu-follet » réalise exploit sur exploit au volant d’une Alpine A110 1600 : Jean-Luc Thérier. En roulant avec les notes de Jean-Pierre-Nicolas (!) le Normand claque le 2ème temps dans les 29km de Rammen, la 4ème spéciale, tout proche de Stig Blomqvist. Mais son objectif principal est de devancer la Lancia de Gunnar Källström. Ce qu’il réussi ! A la stupéfaction générale, le Français triomphe ensuite dans la course poursuite disputée sur l’hippodrome de Farjestad – Travvhana. Le jour suivant, le surdoué de Neufchâtel-en-Bray part à bloc et… arrache un demi-train. Le funambule repart avec une auto blessée et réparée à la hâte mais domine tous les Scandinaves dans les 20km de Sjon – Granssen… Ces derniers connaissent le parcours par cœur et mesurent la portée de l’exploit de Thérier. Quand Eklund pense que c’est lui qui a appris le freinage du pied-gauche au jeune Français…
18 février 1973, Jean-Luc Thérier rejoint Karlstad à la 3ème place finale derrière les Saab de Blomqvist et Eklund mais plus de 3min devant le très véloce Gunnar Källström. Pour les descendants des Vikings et des Sami, le Normand ouvre « la boîte de Pandore ». Non seulement Jean-Luc réussit là un des plus grands exploits de l’histoire du rallye mais il lance un avertissement aux spécialistes locaux : un jour, un Français gagnera sur la neige et la glace du Rallye de Suède… Mais il faudra attendre un peu !
20 ans plus tard. Le 11 février 1993, celui que beaucoup considèrent comme le successeur de Thérier, Didier Auriol, prend le départ de son second rallye de Suède accompagné de Bernard Occelli. Vainqueur du dernier Monte-Carlo avec leur Toyota Celica, Didier et Bernard souffrent ici d’une expérience réduite du terrain et leur équipier se nomme Juha Kankkunen, vainqueur sur ces terres gelées en 1986. Il faut aussi compter avec Mats Jonsson, Tommi Mäkinen, Colin McRae… Dans l’ES3, Backa, Auriol signe son tout premier scratch dans le Royaume et s’empare du classement général devant la Subaru de Colin McRae et la Toyota de Mats Jonsson. Le pilote Français récidive dans le 4ème chrono puis lors du 7ème tronçon… Il possède alors 9sec d’avance sur le funambule Ecossais et 28sec sur Kankkunen, Jonsson est à plus de 1min… Auriol et McRae semblent au dessus du lot. Pour Didier et Colin, le feeling est excellent mais ils jouent sans-filets, il y a de la glace mais pas de murs de neige, la sanction peu vite tomber… Dans l’ES8, McRae claque un énorme chrono, il reprend 5sec à Auriol, Kankkunen est assommé mais réagit dans Vibberbo où Auriol signe le…27ème chrono, à 2min05 de son équipier. Une crevaison a entrainé la casse d’une jante et une sortie de route pour l’équipage tricolore. Didier se retrouve 4ème à 1min48 du nouveau leader, le flamboyant Colin McRae.
Le lendemain, après six nouvelles spéciales et trois meilleurs temps, le Champion de France 1988 a déjà repris la tête du rallye, 23sec devant le Champion du Monde 1991 Kankkunen. Juha revoit le spectre des 1000 Lacs 1992 se profiler… Dans l’ES17, Ho-Chi-Minh-Road (!) et ses 15km, Didier pose d’un coup 6sec à Jonsson et Kankkunen, 8sec à McRae. Il dispose désormais de 31sec d’avance sur son équipier, 44sec sur Jonsson et 48sec sur McRae… Une leçon ! A la régulière, le « Troll » de Millau semble inattaquable mais… dans le 18ème chrono, il subit une nouvelle crevaison et plonge 4ème du classement général, à 29sec du nouveau leader, le héros local et héroïque Mats Jonsson. Didier repart à l’attaque, encore et toujours. Il re-scratch dans la 21ème spéciale. Au crépuscule de la deuxième-étape, il est toujours au pied du podium, à 28sec de Juha Kankkunen qui a repris les commandes, au courage. Avec quatre pilotes en moins de 30sec, la dernière journée s’annonce aussi ouverte que palpitante. Malheureusement, le lendemain matin, Didier s’aperçoit que la pression d’huile de la Celica 4WD est au plus bas. Il arrête alors sa Toyota devant des spectateurs et leur demande de l’huile… ce qui est considéré par la réglementation comme « aide extérieure interdite » ou « assistance effectuée par Toyota en zone interdite »… Résultat : au départ de la spéciale N°24, Didier et Bernard sont mis hors-course ! Cette sanction, légitime ou illégitime, met fin, en tout cas, à un acte de bravoure assez méconnu et conté.
Le 14 février 1993, Mats Jonsson arrache le 42ème Rallye de Suède devant Juha Kankkunen et Colin McRae et devant son Royaume. Ce jour là, Didier Auriol aurait pu, aurait du (!) être le premier pilote non-scandinave et premier Français a remporté cette épreuve. Mieux : le premier tricolore à réussir le combiné nordique 1000 Lacs – Suède. Dommage… mais comme les aurores boréales qui dansent dans le ciel en laissant des trainées multicolores, les images de la Toyota de Didier Auriol qui dansent sur la glace Suédoise restent aussi immuables que merveilleuses.
Fait chier votre modérateur !!!…..
Merci pour ces rappels qui ne nous rajeunissent pas…
En son temps, Michèle Mouton n’avait-elle pas réalisé le meilleur classement d’un non nordique ?